![]() Ph., G.AdC IDIOTE FEMELLE, UTÉRUS ET MÉDIOCRITÉ Samedi soir, 22 novembre 1913
Je suis d’une inquiétude incompréhensible, not to account for*. Une soif ; une mauvaise soif me tient ; depuis trois semaines, je me joue l’histoire - imaginant de doux épisodes, les yeux clos la nuit dans le noir, cette heure qui est entre aujourd’hui et demain -, l’histoire d’être amoureuse d’un homme suffisamment beau, parfaitement médiocre, et complètement innocent de ces coupables débauches pensées. Je ne sais quel appétit de coeur étrange me tient et me tenaille. Lui ou un autre, n’importe quel… Hélas ! que me veut ce sexe avilissant, et à quels airs aspirent ces nerfs, violons à romances ? Honnête, j’ai tâché de travailler. Donc, Nationale où Daniel Halévy, si libéré qu’il soit, m’est prétexte à rêver sans que je le veuille. Mais je n’ai pas la force physique : deux matins de textes hindous, et j’eus l’air d’avoir été enterrée vivante. Je me raccroche à Fritz Kiener. Celui-là, c’est un cadeau du Hasard, du cher Hasard. Il tient infiniment à moi, et malgré sa laideur, j’ai rêvé, -encore ! – que je me jetais dans ses bras en pleurant. Ca, j’aurais bien pu le faire. Ô Fritz, mon ami Fritz, compréhensif, ironiste, germanique bonté, comme je me serrerais bien sur votre cœur, si vous saviez ! Sur un cœur, n’importe quel cœur… Vous feriez bien le voyage si un démon vous montrait ces lignes ? Idiote femelle, utérus et médiocrité. * À laquelle il ne faut pas faire attention Catherine Pozzi, Journal 1913-1934, Phébus Libretto, 2005, pp. 57-58. |
■ Catherine Pozzi sur Terres de femmes ▼ → À la déesse qui m’a donné une pomme que je ne méritais pas → Nyx → Scopolamine → 1er mai 1920 | Journal de Catherine Pozzi → 27 février 1934 | Journal de Catherine Pozzi |
novembre 2005
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Me voici de retour sur le magnifique blog d'Angèle et je tombe sur Catherine Pozzi dont, ce matin encore, je lisais un poème que je vous retranscris. Belle coïncidence!
"Très haut amour, s'il se peut que je meure
Sans avoir su d'où je vous possédais,
En quel soleil était votre demeure
En quel passé votre temps, en quelle heure
Je vous aimais,
Très haut amour qui passez la mémoire,
Feu sans foyer dont j'ai fait tout mon jour,
En quel destin vous traciez mon histoire,
En quel sommeil se voyait votre gloire,
Ô mon séjour.
Quand je serai pour moi—même perdue
Et divisée à l'abîme infini,
Infiniment, quand je serai rompue,
Quand le présent dont je suis revêtue
Aura trahi,
Par l'univers en mille corps brisée,
De mille instants non rassemblés encor,
De cendre aux cieux jusqu'au néant vannée,
Vous referez pour une étrange année
Un seul trésor
Vous referez mon nom et mon image
De mille corps emportés par le jour,
Vive unité sans nom et sans visage,
Cœur de l'esprit, ô centre du mirage
Très haut amour."
(Catherine Pozzi, Très haut amour. Poèmes et autres textes,Gallimard/Poésie, 2002)
Rédigé par : Marielle | 22 novembre 2005 à 17:16
Alors aujourd'hui, c'est Catherine Pozzi qui retient mon attention avec ce texte sublime que je fais mien. Comme je me retrouve dans l'écriture du premier paragraphe. Que cette ironie lucide sur ses désirs me va bien. Merci Angèle d'avoir ajouté à ma collection du beau, du vrai, de l'émotion immaculée. Et puis, une petite question à "M. l'architecte et photographe" : où peut-on voir cette magnifique tête de femme dont la pureté et le dénuement des traits me bouleversent ?
Rédigé par : pascale | 23 novembre 2005 à 10:12
Ma chère Marielle,
Savez-vous que le poème que vous venez de citer est chanté aujourd'hui par Véronique Pestel. On le retrouve dans son album Canis bulle, sorti le 15 septembre dernier ?
Véronique (qui habite en Haute-Savoie) vient même régulièrement par chez vous, puisqu'elle sera à LUTRY du vendredi 20 au dimanche 22 janvier 2006.
Rédigé par : Angèle | 23 novembre 2005 à 10:25
Ici même ! Tout simplement...
Amicizia
Guidu : "M. l'Architecte et photographe"
Rédigé par : Guidu | 23 novembre 2005 à 11:40
Ah bon ! Guidu, si je peux me permettre cette familiarité, pourriez-vous svp être plus précis ? Je cherche et ne trouve pas...ou bien je n'ai rien compris !
Amitiés.
Rédigé par : pascale | 23 novembre 2005 à 14:47
Oui, c'est vrai, Pascale, cette réponse fort sybilline ne peut être comprise que de Guidu. Qui a décidé, ce matin, de jouer les sphinx. Je vais essayer d'être votre go-between...
Rédigé par : Webmestre de Terres de femmes | 23 novembre 2005 à 15:09