Né à Volos, en Thessalie, le 10 juillet 1888, le peintre italien Giorgio De Chirico meurt le 20 novembre 1978 à Rome.
La peinture de Giorgio De Chirico, qui allie géométrie et onirisme, apparaît comme résolument nouvelle. Sans rapport avec les recherches formelles de son époque, ignorant divisionnisme, impressionnisme, fauvisme. La peinture de De Chirico puise ses racines dans d’autres traditions et ouvre la voie aux peintres surréalistes. Dès 1913, il affirme avec L'Incertitude du poète (Tate Modern, Londres) un style propre qui déconcerte. En 1914, le peintre exécute un Portrait prémonitoire de Guillaume Apollinaire.
Giorgio De Chirico
Portrait prémonitoire de Guillaume Apollinaire, 1914
Huile sur toile, 65 x 81 cm
Musée national d'art moderne
Centre Georges-Pompidou, Paris
Source
PORTRAIT PREMONITOIRE DE GUILLAUME APOLLINAIRE: LECTURE PERSONNELLE
La « peinture métaphysique »* de Giorgio De Chirico, influencée par la lecture de Nietzsche (apollinien/dionysiaque, Naissance de la tragédie) et par la peinture d’Arnold Böcklin, laisse peu de place à l’individu. Le poète Guillaume Apollinaire, fervent défenseur du peintre, est représenté ici en Apollon, le regard masqué derrière des lunettes noires (préfiguratrices des "Ray-Ban" ?), comme aveuglé lui-même par le trop grand rayonnement que sa divinité solaire a pourtant fini de diffuser. Lèvres closes, la bouche triste de la statue, fermée sur une moue désenchantée, ne profère aucune prophétie. Le poète tourne le dos à ce dont il pressent la présence, mais se refuse à voir : le fantôme silencieux qui glisse derrière la colonne « antique » sa silhouette inquiétante, symbole des désastres à venir. Du monde ancien que réfute le poète, il ne reste plus que quelques idoles, réduites à l’état de moulages. Celui d’un poisson, symbole christique et une main gantée. Symbole d’un pouvoir déchu ?
« À la fin tu es las de ce monde ancien ! » clame Guillaume Apollinaire dès l’ouverture de « Zone », dans Alcools (1913). C’est aussi ce que semble vouloir dire Giorgio De Chirico. Les dieux sont morts. Seules demeurent, glacées et mutiques, les icônes aveugles du passé tandis que se profilent et planent sur la ville désertée, les ombres sinistres du mal !
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
* Le mouvement Pittura metafisica a été fondé par Carlo Carrà et Giorgio De Chirico en 1915. L'expression Peinture métaphysique a été utilisée pour la première fois en 1913 par Guillaume Apollinaire, dans les Soirées de Paris, pour qualifier la peinture de De Chirico.
Autres toiles de Giorgio De Chirico figurant sur Terres de femmes :
- Giorgio De Chirico, Le Duo [Les mannequins de la Tour Rose], 1915.
- Giorgio De Chirico, Andromaque, 1916.
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Merci chère Angèle, De Chirico est un de mes peintres préférés !
Ce portrait prémonitoire n’est pas sans me rappeler celui-ci: Chirico-Poeta de 1914
Bien que celui que je préfère soit celui-là.
Voici pourquoi :
La nature a horreur du vide. Le vide c’est le contraire de la nature, c‘est de humain à l'état pur. Cette quête d’humanité, cette déconstruction de la solitude, ce baroque désespéré hante l’œuvre de Giorgio De Chirico !
Le vide n’y est pas que physique, il n’est ni palpable, ni mesurable, il est le reflet de l’âme, il est Meta-Physique nous dit-il à nous Architectes. Comment ?
En traçant un trait dans le lointain horizon d’une ville italienne ensoleillée d’une minéralité exclusive…
Amicizia
Guidu _______
Rédigé par : Guidu | 20 novembre 2005 à 23:23
Voici ce qu’écrivait Ardengo Soffici dans la revue Lacerba (article repris par Guillaume Apollinaire dans l’article « Nouveaux peintres » du 14 juillet 1914. Cf. Apollinaire, Chroniques d’art 1912-1918, Gallimard, Collection Folio, page 514) :
« La peinture de Chirico n’est pas peinture dans le sens que l’on donne aujourd’hui à ce mot.
On pourrait la définir une écriture de songe. Au moyen de fuites presque infinies d’arcades et de façades, de grandes lignes droites ; de masses immanentes de couleurs simples ; de clairs et d’obscurs quasi funéraires, il arrive à exprimer, en fait, ce sens de vastitude, de solitude, d’immobilité, d’extase [que] produisent parfois quelques spectacles du souvenir dans notre âme quand elle s’endort. G. de Chirico exprime comme nul ne l’a encore fait la mélancolie pathétique d’une fin de belle journée dans quelque antique cité italienne où, au fond d’une place solitaire, outre le décor des loggias, des portiques et des monuments du passé, un train passe en vomissant des bouffées de fumée, un camion de grand magasin stationne et une très haute cheminée fume dans un ciel sans nuage. »
Rédigé par : Yves | 21 novembre 2005 à 11:51
La nature a horreur du vide. C’est du moins ce que l’on dit de Lucrèce (De rerum natura) à Descartes. Ma vision animiste et romantique de la nature me pousserait à penser de même. Mais De Chirico, lui, semble avoir la nature en horreur. Jamais un arbre ne pointe à l’horizon. Jamais une colline siennoise n’offre ses courbes alenties dans le lointain. Seulement des cheminées d’usine, comme dans ce paysage où domine la mélancolie. C’est peut-être parce que la nature est vide pour le peintre, qu’elle ne lui parle pas, qu’il la remplace par la géométrie des formes et des structures. Sculpture et architecture se sont substituées aux mouvantes frondaisons qui, jadis, bruissaient du langage des hommes et des dieux. Les dieux ont été délogés et les hommes n’ont pas su rendre à la Nature qui les hébergeait, l’âme dont elle vibrait. Pour moi, le monde de De Chirico est un monde froid, ses couleurs d’ailleurs le sont aussi. Il ne se dégage de ces immenses places vides, aucune vibration d’aucune espèce. Nulle vie. Les choses sont posées là, associées comme par hasard et le sens échappe. C’est précisément ce qui m’intéresse chez De Chirico, cet exercice de décryptage pour tenter de trouver un sens à ces agencements de statues démantelées, de cheminées rigides, de colonnes et d’éléments épars. Au milieu desquels l’homme est absent. Trouver un sens qui permette de refouler l’angoisse que fait naître ce vide existentiel. Si les villes italiennes qui occupent l’espace mental du peintre étaient en tous points semblables aux siennes, je crois bien que je les déserterais. Je suis bien d’accord avec vous pour dire que ces villes sont à l’image de l’âme de De Chirico, rongées par une insoutenable solitude. Quant au baroque, je ne le perçois ici que pris dans son sens étymologique de bizarre (en portugais, le terme« baroco » désigne une perle aux formes irrégulières et par extension bizarre). La dimension existentielle du terme, elle, m’échappe totalement. Pourtant, contrairement à ce que vous pourriez penser en me lisant, j’aime cette peinture, taillée au scalpel. Mais je ne m’y sens pas chez moi et je n’ai pas le désir de m’y attarder.
Rédigé par : Angèle | 21 novembre 2005 à 22:17
Mario Sironi (1885–1961)_________
En 1920, cet homologue sarde de De Chirico (il a un moment fréquenté le mouvement futuriste), poursuit une quête similaire.
Dans un chromatisme sombre, il représente des périphéries urbaines désertes et silencieuses, des rues bordées de murs aveugles, des sévères blocs de bâtiments, les cheminées d’usine... dont toute vie semble absente...
Pour en voir plus sur Sironi, cliquer ICI
Amicizia
Guidu ________
Rédigé par : Guidu | 23 novembre 2005 à 11:36
Tout ce qui concerne De Chirico m'intéresse... il m'a profondément marqué - et je ne crois pas être le seul !!!... - je parle beaucoup de lui en ce moment sur 3001 odyssée ou sur le net à mon nom ... bravo ! dommage qu'il n'y ait pas plus de commentaires ! continuez !
amicalement
Rédigé par : deluol dit genest | 19 février 2008 à 16:51
Merci, deluol, pour ces remarques. Il est vrai que mes notes suscitent plus de correspondance privée que de commentaires en ligne. Volonté de discrétion ou excès de pudeur ?
Rédigé par : Angèle Paoli | 20 février 2008 à 09:52
meilleurs voeux 2009 avec .... DE CHIRICO !("3001 odyssée)
Rédigé par : deluol | 08 janvier 2009 à 19:35