Chiara MatrainiPh., G.AdC
FERA SON IO DI QUESTO OMBROSO LOCO
« Fera son io di questo ombroso loco,
Che vo con la saetta in mezzo al core,
Fuggendo, lassa, il fin del mio dolore,
E cerco chi mi strugge a poco a poco.
E com’augel che fra le penne il foco
Si sente acceso, onde volando fuore
Dal dolce nido suo, mentre l’ardore
Fugge, con l’ale più raccende il foco ;
Tal io fra queste fronde a l’aura estiva
Con l’ali del desio volando in alto,
Cerco il foco fuggir che meco porto,
Ma quanto vado più di riva in riva
Per fuggire’l mio mal, con fiero assalto
Lunga morte procaccio al viver corto. »
Chiara Matraini, in Lirici del Cinquecento, éd. par Luigi Baldacci, Florence, Salani, 1957; rééd. Milan, Longanesi, 1975 et 1978.
« Je suis bête sauvage en cette forêt sombre,
Et je m’en vais, percée d’une flèche en plein cœur,
Fuyant, presque aux abois, la fin de ma souffrance,
Et cours vers celui pour qui, peu à peu, j’expire.
Ou comme oiseau qui sent dans son plumage un feu
L’ardre si fort que, du vol redoublant l’allure,
Il croit, loin de son nid douillet, fuir l’incendie,
Tandis que de son aile il ravive la flamme ;
Parmi, ces frondaisons, dans les tièdes effluves,
Sur l’aile du désir, en mon essor plus haut,
Telle je vole, et fuis cette ardeur qui me brûle.
Mais, plus je vais passant de l’une à l’autre rive
Pour fuir mon mal, voilà qu’en un combat cruel
Je voue à une longue mort cette vie brève. »
Chiara Matraini, Anthologie bilingue de la poésie italienne, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1994, pp. 538-539.
BIO-BIBLIOGRAPHIE
Poétesse italienne du Cinquecento dans la lignée de Pétrarque, Chiara Matraini est née à Lucques le 4 juin 1515 et très vraisemblablement morte en 1604. Le sonnet présenté ici fait partie de son premier recueil, intitulé Rime e prose, publié à Lucques par Vincenzo Busdraghi en 1555. À travers ce poème lyrique, Chiara Matraini évoque la douleur d’un amour fugitif. Et malheureux.
En 1556, elle a publié une traduction d’A Demonicus, œuvre présumée d’Isocrate. Certaines de ses poésies sont en outre attestées dans l’anthologie Rime dei signori napoletani ed altri, éditée la même année par Lodovico Domenichi. C’est en 1595 [Lucques] et 1597 [Venise] que Chiara Matraini a publié son propre « Canzoniere », Lettere e rime [Lettere della signora Chiara Matraini, gentildonna Luchese, con la prima, e seconda parte delle sue rime], véritable synthèse d’une vie amoureuse atypique et mouvementée (notamment avec le poète Bartolomeo Graziani et le « giudice » Cesare Coccapani).
Vers la fin de sa vie, soucieuse de redorer son blason et de s'assurer une part de paradis, Chiara Matraini a fait construire une chapelle et un autel dans l’église Santa Maria Bianca (Forisportam) de Lucques où elle s’est fait représenter en Sibylle de Cumes (peinture aujourd'hui conservée au Musée de la Villa Guinigi à Lucques).
Une édition bilingue d'œuvres choisies de Chiara Matraini a été publiée le 30 décembre 2007 par les Presses de l'Université de Chicago.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
Claude Le Lorrain (1600-1682),
Bord de mer avec Apollon et la Sibylle de Cumes
Huile sur toile, 95 x 127 cm, vers 1646-1647,
Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage
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