Ph. D.R.
EN QUÊTE DE SOLITUDE COSMIQUE
Élaborer une pensée autour des Idéalités mathématiques, échafauder des raisonnements piranésiens sur l’épistémologie et la phénoménologie, tels étaient les « divertissements » silencieux auxquels avait coutume de se livrer le philosophe Jean-Toussaint Desanti.
Pour moi, qui n’ai croisé que de très loin l’homme des « Idéalités », j’ai gardé de ce pur phénomène, le souvenir d’un petit homme rond, portant rabanes et cabas, trottinant vaillamment, depuis l'hôtel Morganti sur les sentiers du maquis, au-delà de la tour d’Albu. En quête de solitude cosmique, partagée avec sa compagne.
Jean-Toussaint Desanti était un homme du Sud, né à Ajaccio le 8 octobre 1914. Formé aux humanités classiques dans le lycée de sa ville natale, il pratique le grec couramment et récite de mémoire des pans entiers de L’Iliade. Son goût prononcé pour la philosophie le pousse à quitter l’île pour le continent. Il est alors âgé de dix-huit ans. Mais si l’œuvre d’Homère, l’aède aveugle, n’a pas de secrets pour lui, les noms de Freud et de Nietzsche lui sont encore totalement inconnus.
Jean-Toussaint Desanti « monte » à Paris et, en 1936, entre à l’ENS (l'École Normale Supérieure), rue d’Ulm. Avec ses professeurs Maurice Merleau-Ponty et Jean Cavaillès, il aborde la phénoménologie d’Husserl et l’épistémologie des mathématiques. Deux problématiques qui le passionnent et vont l’occuper tout au long de sa vie.
Sous l’Occupation, en juillet 1942, Jean-Toussaint Desanti, surnommé Touky, entre dans l’action et s’implique dans la Résistance. La philosophie devient une éthique. C’est aussi à cette époque qu’il fait la rencontre de celle qui deviendra son épouse, l’écrivain Dominique Desanti. Ensemble ils partagent longtemps les mêmes idéaux, les mêmes engagements, les mêmes combats. Les mêmes errements politiques aussi.
En 2001, Roger-Pol Droit, chroniqueur au journal Le Monde, retrace avec le couple dans une « conversation » à deux voix les moments les plus marquants de leur vie : La Liberté nous aime encore, entretiens parus en 2001 aux Éditions Odile Jacob.
Philosophe silencieux et peu mondain, Jean-Toussaint Desanti conduit une réflexion ininterrompue sur les mathématiques qu’il interroge de l’intérieur. Elles ne sont pour lui « ni du Ciel ni de la Terre ». Elles sont matière mouvante, en perpétuelle création. La réflexion du philosophe aboutit à un précieux ouvrage, intitulé Idéalités mathématiques (1968), un ouvrage dont le titre à lui seul faisait rêver mon père, Jean Paoli, un des amis corses de Touky. Un rêve de flambeur, comme aurait probablement dit le philosophe.
Jean-Toussaint Desanti (mort le 20 janvier 2002) a également publié :
- Le Philosophe et les Pouvoirs (1967) ;
- Réflexion sur le Temps (1992) ;
- Philosophie : un rêve de flambeur (1999).
Angèle Paoli
Texte D.R. angelepaoli
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