Le
20 septembre 1975, à Giens, au moment des tempêtes d’équinoxe qu’il aimait tant et qu’il appréciait dans cette Méditerranée dont il connaissait la violence cachée, s’éteignait
Alexis Leger/Saint-John Perse.
Lui qui s’était toujours déclaré d’Atlantique devait ainsi finir ses jours sur cette presqu’île qu’il avait en définitive préférée à la Bretagne et c’est dans le petit cimetière de la ville qu’il repose sous une simple dalle de granit. C’est qu’entre les affirmations de l’homme public, du poète diplomate Saint-John Perse et la vie privée d’Alexis Leger, la distance est grande. Le volume de la « Bibliothèque de la Pléiade », qui, fait quasi unique, l’accueillit de son vivant, et qu'il rédigea entièrement lui-même, est consacré à l’édification d’une Œuvre dont l’œuvre poétique ne constitue qu’une partie : les textes de prose, notes, correspondances, témoignages, et surtout la biographie qui ouvre l’ensemble, tracent le portrait d’un homme achevé et complexe, aussi habile dans l’action au service de l’État, que dans l’otium propice à la création littéraire. Un poète reconnu par le prix Nobel ne saurait être une figure ordinaire : la statue au masque d’or que le volume construit est à l’honneur du langage et de la Poésie, qui ont pour fonction, non pas d’exprimer des sentiments personnels, mais de chanter les aventures de l’âme (« Il n’est d’histoire que de l’âme ») et de réconcilier l’homme avec le monde, de renouer les « alliances ». Dans un siècle tourmenté, qui a connu deux horribles guerres, qui a perdu ses repères et succombé aux tentations de l’absurde ou du matérialisme, le poète, qui est la « mauvaise conscience de son temps », secoue tous les conformismes et vise « au rattachement suprême aux grandes forces qui nous créent, qui nous empruntent ou qui nous lient ». Ces grandes forces, ce sont les pluies, les neiges, mais surtout les vents, « en croissance sur toutes pistes de ce monde, et qui prenaient source plus haute qu’en nos chants, en lieu d’insulte et de discorde », et la mer, « immense et verte comme une aube à l’orient des hommes ».
Égale de la science et de la philosophie, la poésie, avec ses armes, qui sont l’image, qui sont le rythme, avec « la fronde de l’accent », atteint l’essence de l’Être, car, ainsi que le dit le discours en l’honneur de Dante, « toute poétique est une ontologie ». Si la poésie est mystère, c’est pour répondre à la nuit du monde qu’elle n’éclaire jamais autant que lorsqu’elle est obscure : « Ils m’ont appelé l’Obscur et j’habitais l’éclat » dit le poète, en Maître d’astres et de navigation. Au bout d’un chemin de mots souvent difficile, parce qu’ils sont puisés dans tous les domaines du savoir, c’est bien une forme d’éblouissement que trouve celui qui a accepté de le suivre et ce qu’il entend derrière le fracas des armes des conquérants d’Anabase, derrière la rumeur de la mer, des vents et des averses, dans le silence feutré de la neige, c’est toujours et seulement le murmure de l’âme :
« Écoute, ô nuit, dans les préaux déserts et sous les arches solitaires, parmi les ruines saintes et l’émiettement des vieilles termitières, le grand pas souverain de l’âme sans tanière,
« Comme aux dalles de bronze où rôderait un fauve. (Chronique VIII)
Joëlle Gardes
D.R. Joëlle Gardes
Saint-John Perse, trente ans après : la nouvelle anabase
Le jeudi 16 mars à 18 h 30, Joëlle Gardes-Tamine est une des invitées d'honneur de la deuxième soirée Saint-John Perse, soirée à laquelle est associée l’exposition «Saint-John Perse» réalisée par l’ADPF (ministère des Affaires étrangères).
«Saint-John Perse au prisme de la critique» : débat avec Joëlle Gardes-Tamine et Colette Camelin.
Joëlle Gardes-Tamine sera aussi présente pour la séance de signatures qui se tiendra après les débats. Elle signera son dernier ouvrage Saint-John Perse, l’éternel exilé, paru aux éditions aden.
Adresse :
Auditorium des Cours de Civilisation française de la Sorbonne
16 bis, rue de l’Estrapade
75005 Paris
Rédigé par : Agenda culturel de TdF | 11 mars 2006 à 15:46