Valérie-Catherine Richez, L’Étoile enterrée,
Éditions Virgile, Collection Ulysse Fin de siècle, 2004.
Lecture d’Angèle Paoli

Valérie-Catherine Richez
Image, G.AdC
Petit traité de tératologie fantasmagorique à l’usage d’un lecteur peu soucieux du penser-classer
Avant-dernier ouvrage de Valérie-Catherine Richez, L’Étoile enterrée alterne textes très brefs et dessins. En écho ou, comme le dit Valérie-Catherine Richez dans sa page-prologue, en « contrepoint ». Sur la page de droite, de curieux personnages « surgis de sa main », une main onirique qui fait se démultiplier les visages et les yeux. Des monstres velus, au silence buté, des lutins bonnets pointus, des fées étoilées, doigts palmés, des gnomes faunesques, des diablotins, tout un bestiaire sexué de caméléons et de lucioles, de crocodiles et de poissons bipèdes, d’Argus aux cent yeux. Des bras évoluant en branches, des racines venues d’ailleurs, et des mains. Palmées, crochues, branchues. Des hybrides zoomorphes, d’étranges volatiles. Un humanoïde contenant son double. Un chaman peut-être ? Et toujours ces yeux qui percent les vêtements, se dispersent sur le corps. Cisaillent la page, forçant le regard autre à scruter, à dépiauter, à dépecer le dessin, puis les formes, jusque dans les moindres détails, pour tenter de percer le mystère qui se décline sur les pages. De faire siens ces compagnons de lecture hors du commun. Un petit manuel de tératologie fantastique et anamorphique. À l’usage d’un lecteur dépaysé qui se prend à chercher à quoi se raccrocher.
Il y a bien cette étoile, cette étoile enterrée. Où la dénicher ? Comment la dé-terrer, la délivrer ? Soudain elle est là, dans le texte, sur la page de gauche, « bouleversante », mais pour qui ? Pour ce « tu » convoqué parfois dans un passé indéfinissable. Un passé lointain qui renvoie pourtant au temps de l’écriture, en cet hiver 1998-1999. Là-bas, en Inde, du côté de Jaïpur, Bombay et Calcutta ? Énigmatique étoile en tout cas. Tout aussi énigmatique que la phrase d’où elle surgit. Tout aussi énigmatique que l’ensemble des textes qui composent pour moitié l’ouvrage. Et qui parlent de manière brève, souvent aphoristique, minimaliste, de l’inquiétude d’être, de la difficulté qu’il y a à ne pas se perdre, à comprendre, à entendre, à résister, à lutter contre sa propre dissémination. Un traité de philosophie alors ? Nenni ! Un recueil de poèmes ? Non plus, bien que les textes aient à voir avec la prose poétique ! L’Étoile enterrée se dérobe. Défie la loi des genres et des formes. Texte inclassable que celui de Valérie-Catherine Richez. Fait de bribes oniriques. Impropres même à conjurer l’oubli.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli

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Je viens de déterrer, par hasard, en fouillant chez un libraire, L'étoile enterrée. C'est la porte vers une autre dimension. C'est magnifique. Merci du voyage...
Rédigé par : Stéphane Sangral | 08 mars 2013 à 10:20