Ph., G.AdC
À FLEUR DE PEAU 5
La sueur des ailes tourne
Délicate vertigineuse intime
Tourbillonne entre le jade séducteur
Et la sombre goutte brûlante
Mûrit parmi les pédoncules sensibles
Improvise en émois de cristaux de sang
Les pétales
Les bijoux grandissent et s’agitent mouillés
Des rameaux de café aux coques de la vigne
Des clignements lointains aux chemins des nervures
Les rubans se faufilent parmi les vagues des écailles
Le calice
La rosée des ailes
Je t’aime
Le sexe oscille entre le fauve et le roux
Les baisers des truites glissent dans leurs dentelles
Entre les pépiements des rives et les galets ocellés
Tandis que les cheveux se nouent dans les bijoux
La corolle
Viens avec moi
Vitrail d’aube
Le parfum brille entre les roses
Respire
Tout autour de nous
Tout proche
Le bonheur des sommeils
Respire encore
L’émail tourne entre le rose et le jaune
De sursaut vert aux volets doucement
Lentement la mésange explore les remblais
Lissant ses plumes dans les flaques de sueur
Michel Butor, Collation, éd. L’instant perpétuel, 1991, page 110.
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Note d'AP : cette édition de Collation est éclairée par 15 chandeliers dus à l’encre de Michel Sicard. Ne pas confondre ce recueil avec celui qui a pour titre Collations (précédé de Hors d'œuvre, scandés par les Souvenirs illusoires d'un Japon très ancien), publié chez Seghers, collection Poésie (2003).
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LE NOIR ET BLANC selon MICHEL BUTOR ___________
Selon Michel Butor, extrait :
« … Le noir et blanc, c'est dans le royaume de la photographie, le domaine de la méditation sur la mort et l'écriture. Dans leur laboratoire les héritiers de Niepce voyagent aux sources mêmes de la lumière. Comme l'alchimiste ancien prétendait reproduire dans son athanor, et même accomplir toute l'histoire de l'univers, le photographe quand il s'enfonce dans la retraite du noir et blanc, s'efforce de remonter en rêve et pensée nocturne jusqu'au big bang originel et au-delà, met à l'épreuve les théories des physiciens et cherche par ses images arrachées à l'enfer de la lampe rouge, cette issue que nous appelons tous depuis que nos cellules ont commencé à percevoir à l'intérieur du ventre rouge… »
Tout le texte
Amicizia
Guidu ___________
Rédigé par : Guidu | 14 juin 2005 à 22:38
Superbe, ce texte de Michel Butor sur la photographie.Très inattendu mais très juste, le rapprochement du photographe avec l'alchimiste.
Merci Guidu de cette réflexion sur le "Noir et le Blanc" selon Butor.
Rédigé par : angèlepaoli | 15 juin 2005 à 00:27
mmmouais... si on commence à prendre au sérieux toutes les "révélations" des poètes, on a pas fini de se dérider le cortex dans l'athanor !!!
Pour le reste, le poème de Butor est superbe. J'ignorais d'ailleurs qu'il avait pris ce genre d'initiatives.
Et comme, zut de zut, on ne va quand même pas acheter tout ce qui nous emballe : eh bien on ira glaner sur google, histoire de voir s'il y a de vraies bonnes miettes à se mettre sous la dent.
Bises zutalores
dB
Rédigé par : dibrazza | 15 juin 2005 à 01:53
Le noir, le blanc, la couleur... Il y a là tout notre monde.
Le photographe épris de noir et blanc abstrait la couleur sans la mener véritablement à sa mort, comme les mots noirs sur le blanc du papier suffisent pour recréer toutes les teintes (et même les odeurs!) de Combray, de Paris ou d'ailleurs. C'est que le noir comme le blanc les contiennent toutes, je crois. Sur sa palette, le peintre tire un noir profond du mélange de ses pâtes. Sur la scène, l'éclairagiste croise ses faisceaux de couleurs et le blanc - épiphanie étrange - apparaît.
Dans les plis du blanc et du noir, comme dans les plis de l'univers des physiciens, on entend battre la vie!
Rédigé par : La Juvéniste | 15 juin 2005 à 05:06
En lisant votre très beau commentaire, La Juvéniste ("le peintre tire un noir profond du mélange de ses pâtes"), je ne peux m'empêcher de songer à Soulages, mais surtout à la dernière période de Rothko, qui m'avait tant interrogé et fasciné lors de la rétrospective du Musée d'Art moderne de la Ville de Paris. Reste que beaucoup lisent cela (rétrospectivement) comme un thrène et pas nécessairement comme une épiphanie ou une apothéose "en majesté". C'est que le noir est culturellement connoté. Par ailleurs, il m'a fallu du temps, par exemple, pour comprendre qu'en quadrichromie (photogravure), pour obtenir un noir profond, il faut rajouter soit du cyan, soit du magenta.
Rédigé par : Yves | 15 juin 2005 à 07:56