Ph., Jean-Pierre Evrard,
Galerie Agathe Gaillard
L’HOMME QUI DU DÉSERT
« L’homme qui du désert connaît le secret ne
peut vieillir
La mort viendra, tournera autour de la dune
puis repartira.
Le jour sera sévère, mais la nuit
ne troublera point le regard profond de ce
visage qui bâtit des demeures dans la patience.
De ses mains, il tiendra la vie en saison haute,
Inaccessible au malheur.
L’homme qui du désert ne saccage point la légende
ne peut subir l’outrage.
Il sera dépositaire d’une mémoire obscure
tissée d’énigmes et de beauté.
Héritier du livre laissé par la nuit.
Les vents le maintiendront humble et fier
debout hors de toute défaite.
L’homme qui du désert sera le témoin,
maître d’un dessein délivré de la souffrance,
habitera une maison où la faim n’entre plus.
Il sera peut-être sans haine, éternel dans le courage,
enfant traversant le siècle avec un cerceau d’étoiles
dormant dans l’orgueil des ronces, sur
la ligne blanche, gardienne du ciel.
L’homme qui du désert sera le récit,
livre de la passion et du pardon,
coeur ouvert, grand comme le pays et le temps,
cet homme ira comme un cheval libre hors l’aride
et l’impénétrable.
Il mêlera les mots au sable pour ouvrir les portes
des villes souterraines et des nuits imprenables.
La liberté aura son visage, sa voix et sa folie.
Mais le désert est un malentendu, un mauvais
lit pour le sommeil et pour le songe, une page
blanche pour la nostalgie.
Les Bédouins sont dans la ville, les chameaux dans la
légende et les nomades dans les cirques de l’âme fatiguée. »
Tahar Ben Jelloun, Atteint du désert, in Abdellatif Laâbi, La Poésie marocaine, La Différence, 2000, page 73.
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