Notre vie s’inscrit à l’intersection du temps et de l’éternité
(Mère Gertrude Schaller, abbesse de Maigrauge depuis 1974).
Avis aux amateurs d'histoire et d'architecture, l'Abbaye Notre-Dame de la Maigrauge, le plus ancien monastère de Fribourg (Suisse), célèbre ses 750 ans. Trois quarts de millénaire de présence dans une boucle de la Sarine, rivière baignant Fribourg, 750 ans d'activités moniales cisterciennes sans interruption. Suffisamment rare pour être souligné.
Le nom Maigrauge est d'origine germanique et pourrait être traduit par « le pré maigre dans la vallée ». Premier couvent féminin de Fribourg, la Maigrauge est fondée en 1255 par Richinza, avec l’appui du seigneur Hartmann de Kybourg. Installée dans des bâtiments construits en pierre sur les bords de la Sarine, l’abbaye a pour vocation de résister au temps qui passe. En 1262, l'établissement est rattaché à l'ordre des Cisterciens, sous l’autorité de l'abbé de Hauterive.
Malgré les transformations apportées aux lieux, les péripéties climatiques ou historiques et un violent incendie au XVIIe siècle, le couvent résiste vaille que vaille et ses murs comptent au nombre des plus beaux édifices religieux de la région. En 1994, une association, « Les Amis de la Maigrauge », est créée dans le but de sauvegarder ce patrimoine architectural.
Outre la richesse architecturale du lieu, il convient également d'évoquer la vie de la communauté qui y est installée. Depuis le XIIIe siècle, des religieuses (elles sont une quinzaine aujourd'hui) s'adonnent invariablement à la prière et à divers travaux profanes, dès 4 heures du matin jusqu'en fin de soirée.
Progressivement, quelques modernisations ont été apportées au couvent : installation de salles de bains, matériel de cuisine, sans parler des ordinateurs et d'Internet, relais entre la communauté de Maigrauge et le monde extérieur.
À l'occasion de ce 750e anniversaire est publié un remarquable ouvrage sous la direction de Núria Delétra-Carreras, historienne d’art. Tissant sa toile autour du fil chronologique des lieux, l'auteur nous entraîne dans son sillage sur les traces historiques de ce couvent. Depuis les origines jusqu'à nos jours, en ne délaissant aucun aspect de la vie monastique et en y incluant quelques flashes sur le monde extérieur. Les lecteurs apprécieront aussi la richesse de la contribution de Gilles Bourgarel, archéologue, et le choix des illustrations… plus de 300 tout au long de ce beau volume de 530 pages (Éditions La Sarine). Il aura fallu cinq ans pour rédiger, compiler et finaliser l'édition de cet ouvrage, travail réalisé en étroite collaboration avec les cisterciennes. L'histoire du monastère est abordée dans sa totalité, tant sur le plan historique, archéologique que spirituel ou artistique.
Le monastère de la Maigrauge est habituellement fermé au public. Mais, à titre exceptionnel, dans le cadre de ce 750e anniversaire, les portes seront ouvertes le samedi 11 juin, durant toute la journée. Une occasion unique de découvrir et d'apprécier cet endroit préservé du temps et du rythme soutenu de nos vies quotidiennes.
Marielle Lefébure
D.R. Texte Marielle Lefébure
Source
Informations:
Office du Tourisme de Fribourg
Tél. : 0041263501111
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Merci beaucoup Marielle pour cet article ! Je ne connaissais pas du tout l'Abbaye de la Maigrauge. Tu m’as donné envie de la visiter. Dans la région où je vis, il y a de belles abbayes cisterciennes de style roman très dépouillées, parfaitement adaptées au climat méditerranéen. Particulièrement l’abbaye du Thoronet à Lorgues dans le Var !
L’Architecte aixois Fernand Pouillon a un écrit un livre magnifique (très connu, prix Médicis 1964) mais peut être oublié maintenant, Les Pierres sauvages, journal (apocryphe) d’un moine constructeur (Fernand Pouillon lui-même... dans la robe de bure du personnage) racontant la construction de cette abbaye du Thoronet. Une très belle écriture. Passionnant.
Amicizia
Guidu________
Rédigé par : Guidu | 07 juin 2005 à 01:18
Contrairement à ce que mentionne Jacques Lucan (auteur de Fernand Pouillon architecte, Picard, 2003) et comme me l'a signalé Guidu, il ne semble pas que Les Pierres sauvages aient bénéficié d'une réédition (en album de luxe) en 1977, aux éditions du Jardin de Flore (maison d'édition que Fernand Pouillon a lui-même créée). En revanche, l'édition de 1964 au Seuil est toujours apparemment disponible. A ce propos, j'ai longtemps ignoré que Fernand Pouillon avait été associé à Auguste Perret pour la reconstruction après-guerre du Vieux-Port de Marseille, et que c'est cela précisément qui avait été le point de départ de sa carrière. Deux architectes souvent méprisés (probablement par ignorance) par le grand public. Heureusement, l'exposition "FERNAND POUILLON, ARCHITECTE" qui s'est tenue en 2003 au Pavillon de l'Arsenal à Paris et celle de Lausanne et Zurich en 2004 (FERNAND POUILLON - LOGEMENTS EN ILE-DE-FRANCE - MONTROUGE, PANTIN, MEUDON-LA-FORET, BOULOGNE), ont permis de rendre à Pouillon l'hommage qui lui est dû (loin des parfums de scandale qui l'entourent).
Par ailleurs, Guidu, il n'est peut-être pas inutile de redonner les noms des deux autres abbayes (Sénanque et Silvacane) de la merveilleuse trilogie cistercienne édifiée dans ta région. Trois abbayes auxquelles Pouillon a consacré de son vivant des publications prestigieuses.
Rédigé par : Yves | 07 juin 2005 à 03:44
Comme je viens de le vérifier, on trouve un large extrait des Pierres sauvages, dans le petit Découvertes Gallimard de Léon Pressouyre, Le Rêve cistercien, une très belle (et très accessible) synthèse sur l'aventure spirituelle des Cisterciens commencée en 1098.
Rédigé par : Yves | 07 juin 2005 à 10:22
La route des abbayes,
à ces trois soeurs si chères à mon coeur, j'en rajoute une plus au sud, en allant vers Narbonne, celle de Fontfroide. L'émotion à fleur de peau devant tant de pureté, de rigueur, et quand en plus on peut y goûter la musique après le silence, un vrai bonheur.
Lors d'un voyage en Algérie, j'ai pu apprécier l'architecture de Pouillon dans une oasis, Bou Säâda. Ma chambre immense avait les ouvertures sur toute la hauteur de la pièce, soit sur un palmier, soit sur le minéral des roches...
Je vais lire Les Pierres sauvages, merci de m'en avoir donné l'envie...
Bonne journée et tendresse pour Angèle...
Rédigé par : ludecrit | 07 juin 2005 à 10:53
Une citation extraite du chapitre « La poétique de l’espace » de l’ouvrage Le Rêve cistercien que j’ai déjà mentionné :
« Dans un espace réel où les « horribles et vastes solitudes » ne seront bientôt plus qu’un souvenir, les Cisterciens ont eu soin de cultiver l’illusion de la nature vierge et d’entretenir le rêve du désert par une véritable poétique de l’espace. L’extraordinaire vertu onirique des toponymes cisterciens n’a pas échappé à leurs contemporains. […] Pour nous, la puissance d’évocation de vocables qui expriment la beauté des lieux reste intacte : par la magie du verbe, les moines ont abstrait d’une nature médiocre et hostile la beauté des vallées (Bonnecombe, Bellecombe, Bellevaux, Bonnevaux, Valbonne ou Valbuena), la fraîcheur des eaux et la pureté des sources (Fontfroide, Acquafredda, Fontenay, Fontaine, Fountains, Bellaigue, Aiguebelle ou Acquaformosa) et, plus précieuse encore, cette clarté qui irise les ruisseaux et les rivières (Vauclair, Vauluisant, Clairmarais, Clairvaux ou Chiaravalle). » (pp. 34-35)
Rédigé par : Yves | 07 juin 2005 à 12:33
"Le rêve cistercien" est un petit ouvrage que je trouve assez complet et riche, dans son genre. Mon compagnon et moi étant des passionnés d'abbayes et d'architecture romane, dès que nous en avons l'occasion, nous en visitons.
Dans l'extrait cité par Yves, Fontenay est mentionné. C'est un endroit extraordinaire que je conseille à tous ceux qui ne connaîtraient pas encore. Certes rénové, préparé aux touristes et peut-être trop aseptisé au goût de certains, mais il s'en dégage une telle atmosphère... c'est impressionnant.
Et je constate que la région de Guidu recèle de trésors! Je les ajoute à ma liste :)
Rédigé par : Marielle | 07 juin 2005 à 17:18
Je crains que vous ne commettiez une erreur en ce qui concerne la réédition des Pierres Sauvages par les Editions du Jardin de Flore. Celle-ci a bien eu lieu en 1978 en édition de grand luxe, avec illustrations de Fernand Pouillon, limitée à 150 exemplaires plus quelques exemplaires nominatifs. Edition donc très rare à trouver.
Rédigé par : Patrick Benquey | 27 novembre 2007 à 23:57