
Man Ray, Noire et blanche, 1926
Source
KIKI, REINE DE MONTPARNASSE
Kiki, c’est la « montparno » des années presque trente. Mais avant d’être la coqueluche des artistes qui animent les soirées folles de la « Coupole », du « Bœuf sur le toit » ou du « Jockey », Kiki est une gamine du ruisseau, qui bat le pavé parisien en quête de travail et de tendresse. Qui se bat pour survivre au froid, à la faim et à la solitude. Kiki, c’est Kiki de Montparnasse. Alice de son vrai prénom, une petite déshéritée de la vie, que sa mère jette dans la jungle parisienne alors qu’elle n’est encore qu’une enfant. Alice dans la jungle de la capitale vit dans la plus absolue pauvreté, hantant les taudis de ses semblables. Qui acceptent de partager avec elle une hospitalité précaire faite de quelques sous et de quignons de pain racornis, arrachés à la générosité des passants. Kiki, affublée de vêtements de récupération qui accentuent sa silhouette maigrichonne de crève-la-faim et lui donnent une allure de misère, gagne sa vie chichement en passant d’un petit boulot à un autre. Lino-typo, bon(n)iche, apprentie boulangère, visseuse d’ailes d’avions, laveuse de bouteilles chez Félix-Potin…
Mais lorsqu’elle n’a plus rien à se mettre sous la dent, c’est chez les peintres qu’elle trouve refuge. Chez Kisling, qui la rudoie avec des « Entre, salope, faut-il que j’aille te chercher ? » Chez Modigliani. Chez l’irrésistible Foujita, incapable de prononcer les « r » : « Oh ! ce n’est ‘ien ! Toi, glin de beauté ligolo ! moi pensé puce ! » Chez Chaïm Soutine. Elle pose nue dans les ateliers de ceux qui l’hébergent provisoirement. Ce n’est pas qu’elle gagne sa vie avec ce métier, non, c’est plutôt qu’elle trouve en ces lieux un peu de la chaleur et de la tendresse dont elle est assoiffée. Elle côtoie de rudes gaillards qui la rabrouent gentiment et se moquent un peu d’elle. De son nez démesurément long, de sa passion des dentelles, de ses bottines trop grandes pour elle. Et de cette virginité persistante. Dont elle n’arrive pas à se défaire.
C’est que Kiki, sous ses dehors délurés, ne tient pas tant que cela à se dessaler. Elle est sentimentale et elle attend le grand amour. De ce côté-là, elle s’en sort plutôt bien, Kiki. Elle aurait pu se faire violer mille fois. Et même tuer. Ou encore se suicider, comme certaines de ses amies plus vulnérables qu’elle. Elle est courageuse Kiki, elle mange son poing et ravale ses larmes. Elle se bat pour s’en sortir. Et elle s’en sort. Elle est aimée de tous ceux qu’elle croise sur son chemin. Elle monte sur les planches des bistrots du quartier, pousse sa voix dans la chansonnette. Elle grimpe, grimpe. Au milieu des surréalistes qu’elle n’aime guère. Avec Desnos qu’elle adore. Et puis il y a un photographe américain qui réalise de « jolies photos ». C’est Man Ray qui l’immortalise par une série de clichés. Dont le plus célèbre est celui du Violon d’Ingres. La folie Montparnasse bat son plein. Kiki touche à la drogue mais touchée par l’amour, elle l’abandonne. Et se convertit à l’accordéon de son amant. « Tout va bien », conclut Kiki.
Souvenirs retrouvés est un texte drôle et attachant. Le regard que porte Kiki sur elle-même, sur ses déboires et sa misère, sur sa vie, sur l’époque qu’elle fait revivre sous nos yeux, n’est jamais un regard noir. C’est un regard vrai. Et tendre. L’écriture, sans fioritures ni chichis, est alerte et enlevée. À l’image de la personnalité de Kiki. « La Reine de Montparnasse ».
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli

Source
|
Merci Angèle pour cette magnifique icône intemporelle !
Je vous offre, et à tou(te)s vos fidèles aussi (les nouvelles venues en particulier: ludecrit, Chris…)
K I K I of MONTPARNASSE
Merci Google-Internet !
Amicizia
Guidu _________
Voir aussi ICI.
Rédigé par : Guidu | 02 juin 2005 à 18:55
Merci à vous Guidu... et à Angèle de permettre ces rencontres...
Rédigé par : ludecrit | 03 juin 2005 à 11:44