La majorité des amateurs d'art s'accordent aujourd'hui à dire que sans
Hilla Rebay (1890-1967), le
musée Guggenheim de New York ne serait pas ce temple de l'art qu'il est aujourd'hui.

Hilla Rebay
Positive
Huile sur toile, 1961-1962
Source
Le fondateur du musée Guggenheim, Solomon R. Guggenheim, naît en 1861 au sein d'une famille d'émigrants suisses allemands ayant fait fortune dans l'extraction des métaux précieux. Époux d’Irène Rothschild, Guggenheim affectionne les œuvres d'art et les tableaux de maître. Sa collection s'enrichit progressivement et il devient l'un des premiers grands mécènes de l'art dit non figuratif. Une fondation portant son nom voit le jour en 1937 ; la direction artistique en est confiée à Hildegard Anna Augusta Elisabeth Rebay von Ehrenwiesen, dite Hilla Rebay. Ayant carte blanche pour l'acquisition d'œuvres d'art originales, Hilla constitue peu à peu une collection diversifiée de grande valeur, dont elle assure elle-même la conservation et la promotion.
Spécialiste de talent et gestionnaire exemplaire, Hilla Rebay prend à coeur le dossier du nouveau musée dont la construction est confiée à Frank Lloyd Wright en juin 1943. Solomon Guggenheim décède en 1949, avant le début des travaux. En attendant l'achèvement et l'inauguration du nouveau musée (1959), les pièces de la collection sont entreposées dans un ancien hall d'exposition automobile situé au 54 de la East Street à Manhattan et baptisé dans un premier temps Museum of Non-Objective Painting.
Soucieuse d'offrir aux œuvres picturales la place qu'elles méritent, la conseillère s'investit corps et âme dans le projet du Musée Guggenheim de la Cinquième Avenue, souhaitant voir ériger un espace convivial et original dans lequel chacun se sente à son aise. Une correspondance nourrie entre cette femme dynamique surnommée « La Baronne » et l'architecte Wright, qui mourra six mois avant la fin des travaux, témoigne de cet investissement personnel. Hilla Rebay ne sera pourtant pas présente lors de l'inauguration du musée en 1959, celle-ci en ayant été écartée en 1952 de la direction artistique en raison de différends avec Harry F. Guggenheim, le neveu de Solomon Guggenheim et le président de la Fondation Solomon R. Guggenheim. En 2005, son rôle est pourtant pleinement reconnu à l'occasion de l'exposition « Art of Tomorrow » Hilla Rebay and Solomon R. Guggenheim qui lui est consacrée au musée Guggenheim (20 mai - 10 aout 2005), exposition qui fera le tour de l'Europe (Berlin, Munich, Londres) en 2006.
Source
« Pouvez-vous venir à New York ? Je veux un temple de l'esprit et votre aide pour le réaliser. »
Le milieu de l'art, celui de la peinture plus particulièrement, n'est pas un milieu inconnu pour Hilla Rebay. Née le 31 mai 1890 à Strassburg (aujourd'hui Strasbourg, France), fille d'un sévère officier de l'armée prussienne, Franz Josef Rebay von Ehrenwiesen, et d'Antonie von Eicken, Hilla se destine très tôt à devenir peintre. Afin de mener à bien sa passion, elle part étudier l'art à Paris (Académie Julian, octobre 1909-mai 1910), à Munich puis (fin 1915) à Zurich, où elle rencontre Hans (Jean) Arp, qui lui offre le traité Du spirituel dans l'art de Kandinsky (1911). Il la met également en contact avec Herwath Walden, propriétaire de la galerie Der Sturm à Berlin, et l’introduit dans la mouvance dadaïste. Les relations se nouent, Hilla exerce son art, apparenté au mouvement de l'abstraction, et compte au nombre de ses amis des artistes tels que Léger, Kandinsky, Chagall, Rudolf Bauer ou Moholy-Nagy.
En janvier 1927, Hilla Rebay s'installe à New York, tant pour fuir son milieu familial que pour aller plus avant dans le domaine de l’art non figuratif. Auquel elle consacre tout son temps. Parallèlement, lors de ses premières années de séjour aux Etats-Unis, Hilla Rebay travaille le portrait peint, se garantissant par là un revenu minimal qui lui permet de survivre. C'est ainsi qu'elle fait la connaissance de Solomon R. Guggenheim, qui lui demande de réaliser son portrait. Pendant les longues heures de pause, Rebay et Guggenheim dissertent tout à loisir sur l'art et l'artiste a tôt fait de convaincre le roi du cuivre de se constituer un portefeuille en œuvres d'art. La prestigieuse aventure débute. De fil en aiguille, la collection prend de l'ampleur (Guggenheim achètera 150 toiles de Kandinsky...) et Hilla Rebay, en concertation avec son propriétaire, décide de lui offrir un musée à la hauteur de ses collections. Un musée auquel elle consacre une grande partie de sa vie, organisant de prestigieuses expositions, dénichant avec talent des toiles de maîtres destinées à enrichir les collections, donnant des conférences et éditant des catalogues de plus en plus recherchés. Pour un résultat que l'on connaît. La création de l'un des plus célèbres bâtiments de New York et de l’un des plus beaux et des plus riches musées du monde.
Marielle Lefébure
D.R. Texte Marielle Lefébure
Depuis l'inauguration du Guggenheim à spirale de la Cinquième Avenue, les musées de la fondation ont beaucoup essaimé. Le plus envoutant à mes yeux (sur le plan architectural du moins) étant celui de Bilbao, édifié par Frank Gehry et inauguré en octobre 1997. Hélas, le projet de troisième Guggenheim de New York, confié également à Gehry, et qui devait voir le jour en 2006, semble avoir été repoussé aux calendes grecques.
Rédigé par : Yves | 14 juin 2005 à 00:06
Merci Marielle pour cet article que vous concluez ainsi : " La création de l'un des plus célèbres bâtiments de New York et de l’un des plus beaux et des plus riches musées du monde." Ce bâtiment est dû à Frank Lloyd Wright. Vous l’avez dit aussi !
Et j’en profite pour vous proposer de lire : - La fin du grand rêve américain - un article qui voudrait dire que depuis que le ciel de New York s’est obscurci le soir d’un 11 septembre de 2001 comme en une Odyssée du même nom, le mythe que l’Androïde est sensé incarner (l’utopie qu’il prospecte) pourrait bien être dans cette réinvention perpétuelle de l’image de l’Homme. Elle est un des indices les moins équivoques de l’humanité justement. La ville est son paysage intelligible.(Sa forme et sa non-forme. Vous aurez compris qu'à la ville américaine je préfère la ville européenne, italienne plus particulièrement ! )
C’est ainsi que Frank Gehry au changement de millénaire vient d’y annoncer à Frank Lloyd Wright : la fin du Grand Rêve Américain !
Cela a l’air obscur et affaire de spécialistes ( Je suis Architecte, vous le savez... ), il n'en est rien. Cela concerne les lecteurs de Terres de femmes, ils sont humanistes, amateurs d’Art et de littérature. Enfin je crois ! En plus cet article est illustré !
Vous pourrez le consulter sur : aRoots
Amicizia
Guidu_________
Rédigé par : Guidu | 14 juin 2005 à 01:05
Si je partage en partie et en totale béotienne votre préférence pour les villes du vieux continent, il en est deux au moins (pour ce que je connais en tous cas) qui aux Etats UNis, ont un charme, une fantaisie et une personnalité hors du commun
- San Francisco et ses perspectives incroyables, ses couleurs lumineuses, ses incomparables brumes et ce son si particulier, une sorte de chuintement, de souffle qui accompagne les vagabonds.
- La Nouvelle Orléans, son mélange, ses odeurs sucrées, lourdes, fétides les jours de grandes chaleurs (jasmin et pourriture) . Cette ville tient de la légende, du monde parallèle, ses vieilles maisons coloniales, ses quartiers branlants, sa rencontre avec le fleuve. Et toujours la musique, là le souffle devient râle d'extase et de mort.
Une indécrottable romantique ;-)
Juste en passant, c'est un matin que le ciel est devenu noir, d'ailleurs le contraste avec le bleu matinal qui semblait si pur était hallucinant.
Rédigé par : hecate | 14 juin 2005 à 11:58
Merci Guidu pour les références!
Vous parlez de la forme et la non-forme d'une ville. C'est peut-être ce qui me fait aimer à ce point New York, en plus du fait qu'une partie de ma famille y demeure. Ce côté très rigoureux dans l'agencement des rues de Manhattan et puis cet étalement qui engloutit toute forme travaillée dès que l'on s'étend vers le nord. Enchevêtrement de bâtiments dont certains rivalisent de beauté par leur taille, leur forme ou leur brillance. Ville hétéroclite et étonnante caractérisée par une déshumanisation architecturale, qui n'est pas un mal en soi, mais un retour à mes yeux d'une certaine individualité des bâtiments et j'aime beaucoup cela. Chaque immeuble vit pour lui-même, par lui-même, se fondant dans la masse du paysage new-yorkais tout en gardant son indépendance sacrée.
Le Guggenheim en est un des plus beaux exemples.
Rédigé par : Marielle | 14 juin 2005 à 16:37