Le
6 juin 1968,
Henri Bosco reçoit le Grand Prix de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre.
Dernier feuillet du manuscrit du Mas Théotime,
achevé d'écrire à Rabat le samedi 12 juillet 1941
Source
Défini et catalogué comme romancier régionaliste, Henri Bosco (16 novembre 1888 ― 4 mai 1976), déjà peu connu de son vivant, est injustement tombé dans l’oubli. Sans doute parce que son talent d’écrivain provençal a été pour partie éclipsé par la notoriété de Jean Giono. Avec qui on le compare trop souvent. Sans doute aussi parce que le naturalisme mystique dont sont imprégnés ses romans, est jugé dépassé. Pourtant, la Provence d’Henri Bosco vibre d’éclat et de mystère. Mystères de l’homme en parfait accord avec les mystères de la nature.
Les romans d’Henri Bosco ont peuplé mon imaginaire de jeune adolescente. Longtemps j’ai erré à travers les paysages du Lubéron à la recherche des secrets de Constantin et de Hyacinthe. Guidée par la magie d’un titre énigmatique : L’Âne Culotte. Envoûtée par d’étranges rituels accomplis sous la lune. Plus tard, recluse dans ma lecture taciturne, comme Martial dans son île du Rhône, j’ai abordé, avec les mêmes frissonnements de l’âme, les sortilèges du roman Malicroix. Peut-être même ses maléfices, ses sombres histoires d’héritages et ses amours plus sombres encore. Je me suis perdue dans la Camargue sauvage, pareillement soumise à l’épreuve d’une bienfaisante solitude. Qu’il ne me tardait nullement de quitter. Et tout comme le héros, je suis sortie grandie par la force rédemptrice de la sauvagerie des éléments.
Une fois délaissé l’univers farouche de Malicroix (1948), impossible de renoncer au Mas Théotime (récompensé en 1945 par le prix Théophraste-Renaudot). Et aux pouvoirs occultes dont l’héroïne découvre être en possession. Pouvoirs secrets de communication avec la nature. Qui l’emportent finalement sur les pouvoirs de communication entre les êtres. La clé de l’œuvre de Bosco se trouve sans doute dans cette phrase tirée du Mas Théotime: « Plus je me vois solitaire, plus j’atteins aux dons invisibles. » Une phrase qui illustre parfaitement l’atmosphère orphique qui baigne le très beau récit de Bosco qu’est L’Enfant et la rivière (1945). Un récit qui, à l’âge où je lisais d’une traite Malicroix, n’avait pas eu l’heur de tomber sous mes yeux de lectrice, avide de surnaturel. Un récit que j’ai découvert avec bonheur bien des années plus tard. Avec ma première classe de sixième.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
L’ENFANT ET LA RIVIÈRE (extrait) :
La barque reposait tout près de l’île. Du rivage, on ne pouvait l’apercevoir. L’ombre des arbres la couvrait.
Je m’étais installé au banc de proue. De là je pouvais commodément surveiller le rivage.
Rien n’y bougeait.
L’attente fut longue, mais je n’avais pas envie de dormir. Je voulais, moi aussi, même de loin, voir quelque chose.
L’âme se manifesta vers minuit.
Elle marcha le long du rivage, écarta un buisson et descendit sur la grève. Elle m’y apparut, comme un petite blancheur. Cette blancheur erra un moment, puis s’approcha de l’eau. C’est alors que je perdis la tête. Je détachai la barque du mouillage, et tout doucement, à la perche, je la poussai. Elle m’obéit et se mit à glisser sur l’eau noire. Il fait si nuit, pensai-je, que l’âme ne me verra pas. C’est impossible. Moi, si je l’aperçois, c’est qu’elle est blanche…Malgré cette blancheur, je n’arrivais pas à la distinguer. Avait-elle une forme ? J’avançais cependant vers elle ; mais immobile sur la grève, elle n’était toujours qu’une tache dans l’ombre. Au milieu de cette même ombre, sans doute ne me voyait-elle pas lentement arriver. Soudain, elle poussa un léger cri : je venais de surgir près du rivage.
Henri Bosco, L’Enfant et la rivière, Gallimard, Collection Folio, 1976, pp. 97-98.
Bonjour,
J'ai lu votre article à propos d'Henri Bosco et partage entièrement votre point de vue sur l'auteur et la "magie" qui baigne son oeuvre, mais à l'inverse de vous, les romans d'Henri Bosco n'ont pas peuplé mon imaginaire d'adolescent, puisque je n'ai découvert cet auteur que tardivement ; je devais avoir une trentaine d'années, lorsque j'ai commencé à enseigner en collège, en 6ème; Depuis, même si je n'ai pas lu beaucoup d'ouvrages de cet auteur provençal - une dizaine de ses livres attendent sagement sur une étagère de ma bibliothèque, avec ceux d'André Dhôtel, de Jean Giono & de la Comtesse de Ségur : je me réserve de les lire dès que j'en aurai "fini" avec Giono -. Cordialement.
Rédigé par : Dominique Bernier | 23 janvier 2008 à 14:57
Oui, Dominique, mais comment fait-on pour en "finir" avec Giono ?
Pace è salute,
Anghjula
Rédigé par : Angèle | 23 janvier 2008 à 15:29
Bonjour,
Me voici revenu sur ce site deux mois exactement après avoir rédigé un petit mot (suite à la lecture de votre article sur l'oeuvre d'Henri Bosco). Je suis désolé d'avoir pu laisser entendre qu'on pouvait "en finir avec Jean Giono"... ou du moins de l'avoir écrit : ce n'est pas ce que je voulais dire. Jean Giono est un écrivain que j'admire : compatriote et contemporain de Giono, tous deux ont su évoquer et dirais-je "chanter", avec sensibilité, poésie, force et originalité, les beautés de la Provence. Jean Giono était l'auteur préféré d'un de mes frères mort à trente ans. Je l'ai découvert et me suis pris de passion pour son œuvre lors d'un passage à Manosque en août dernier. Vous ne pouvez imaginer l'effet que peut avoir la "poésie" d'un auteur provençal comme Daudet, Giono, Bosco ou Pagnol sur l'esprit et l'âme d'une personne dont l'enfance, l'adolescence et la jeunesse, se sont déroulées dans l'univers d'un petit hameau des Flandres wallonnes posé au milieu des champs entre Lille et la frontière Belge... Non, je voulais juste dire : lorsque j'aurai achevé de lire tous les ouvrages de Giono que je me suis procurés - et qui "ornent" la bibliothèque du salon - je me consacrerai à la lecture des ouvrages d'Henri Bosco. Cordialement
Rédigé par : Bernier Dominique | 24 mars 2008 à 20:16