Le
25 juin 1981,
Yves Bonnefoy est nommé
Professeur au Collège de France, chargé de la chaire d'études comparées de la fonction poétique. Le lendemain même de la date anniversaire de sa naissance
(24 juin 1923).
Image, G.AdC
Poète, Yves Bonnefoy est aussi traducteur de Shakespeare et critique d’art. Il a consacré un essai important à Giacometti, un autre à Rimbaud. La même année 1981, Yves Bonnefoy a reçu le grand prix de Poésie de l’Académie française.
Intitulé Du mouvement et de l’immobilité de Douve (1953), son premier recueil de poèmes traduit les préoccupations métaphysiques du poète. Influencé par la pensée philosophique de Heidegger et de Hegel d’une part et par l’expérience poétique de Paul Valéry et de Pierre Jean Jouve d’autre part, ce recueil rend compte à la fois des visées intellectuelles d’Yves Bonnefoy, en même temps que de sa rigueur formelle.
Mais qui est Douve ? Une « lande résineuse » ou une femme aimée ? Au cours de cette évocation Douve apparaît bientôt comme une Eurydice perdue. La quête du poète se révèle être la quête « du vrai lieu », titre donné par Bonnefoy à la dernière section de son recueil. Section dominée par la figure familière de la salamandre. Qui est aussi la figure du poète.
Le monde que peint Yves Bonnefoy est un monde à l’agonie et sa poésie « un dialogue d’angoisse et de désir ». Le poète cherche en lui les moyens de lutter contre la désespérance et c’est dans cette quête permanente d’« exigence absolue » qu’il trouve des raisons de désirer encore.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
Salamandre, Gaudi (Parc Güell, Barcelone).
Aquatinte numérique originale, G.AdC
LIEU DE LA SALAMANDRE
La salamandre surprise s’immobilise
Et feint la mort.
Tel est le premier pas de la conscience dans les pierres,
Le mythe le plus pur,
Un grand feu traversé, qui est esprit.
La salamandre était à mi-hauteur
Du mur, dans la clarté de nos fenêtres.
Son regard n’était qu’une pierre,
Mais je voyais son cœur battre éternel.
O ma complice et ma pensée, allégorie
De tout ce qui est pur,
Que j’aime qui resserre ainsi son silence
La seule force de joie.
Que j’aime qui s’accorde aux astres par l’inerte
Masse de tout son corps,
Que j’aime qui attend l’heure de sa victoire,
Et qui retient son souffle et tient au sol.
Yves Bonnefoy, Du mouvement et de l’immobilité de Douve, Gallimard, Collection Poésie, 1991, p. 111.
De Pierre-Jean Jouve, Bonnefoy a écrit "Jouve... est un des plus grands poètes de notre langue parce que le premier ou presque après Baudelaire et Rimbaud il a su, il a dû parler, dans une société d'esprit trop subtile que l'art, les prestiges de l'oeuvre élaborée prise comme fin, intimident." Cet éloge peut-il nous aider à comprendre ce que fait Yves Bonnefoy dans la maison natale ?
Rédigé par : déborah | 17 septembre 2005 à 18:07
"Le son est une matière, comme toutes les matières il a ses sculpteurs" dit Yves Jaigu.
Et le texte écrit ? J'y ai pensé souvent et je me dis que l'analogie est justifiée. Qu'un poète peut sculpter sa langue! Mais comme un être vivant.
Mais comment concrétiser cette mise en corps? On ne peut pas faire des voeux pieux et se contenter de dire ce qu'il faudrait faire! L'hyperconscience linguistique qui caractérise ces dernières décennies interdit la croyance naïve dans les mots même dans les mots de la poésie!
Belle citation d'Yves Bonnefoy : "La poésie ne peut plus se permettre d’être naïve, il faut qu’elle se protège de l’envahissement du conceptuel par une conscience de soi on ne peut plus avertie, et pour ce faire il lui faut revisiter et analyser sa propre histoire, il lui faut donc du savoir, de la philologie, seuls moyens de ne pas se retrouver à glisser à la surface des œuvres qui nous importent."
Oui difficile pour la poésie d'être à l'abri de ce glissement, difficile d'avoir cette conscience de soi on ne peut plus avertie :
Citation de Louis Latourre : "Qui forment le poème, – ce sont bien moins les mots, qu'une mise en harmonie (dissonances incluses) des signes qui les portent ; qu'une mise en résonance des sons qui les composent. Qu'une redistribution (on espère inspirée), de graphèmes et de phonèmes choisis pour leurs aspérités, leurs appuis ou leurs points d'ancrage possibles. Par quoi le corps-à-corps littéraire et physique concrètement se vive ; et crée le relief – dynamique, rythmique, visuel et sonore – de tout le texte écrit.
'Le corps lieu et salut du discours' (Yves Bonnefoy).
S'échappant de la feuille, sortant de l'écran plat, ce matériau graphique, cette matière pré-verbale consciemment exploitée, d'un discours puisé aux sources de son image et de son bruit, peuvent donner à quelque poésie de nouvelles façons et de nouvelles raisons d'être (celles d'être, notamment, autrement proférée).
Concentration ouverte... Effort de résistance à l'attraction verbale, à ses automatismes, forgé aux profondeurs cachées de tout langage... « Contraction excentrique » – telle des muscles profonds qui bien que peu visibles, compensent constamment l'attraction terrestre et assurent la prestance, la stature déliée, mobile, et le bel extérieur. Par rééquilibrage intello-sensoriel, une poésie s'empêche de tomber dans les mots.
Voilà remises en cause les normes lexicales, les routines syntaxiques... Et secoués les rites inconscients du discours intérieur constamment proféré et subi.
Ce cri, ces contorsions de l'être ébloui d'être...
Ce couloir vers le jour – dont certains choisissent de tailler la forme et la matière, – ne leur en voulons pas, ne leur disputons pas le corps de l'entreprise. Il se peut qu'ils en fassent une chambre d'écho, un lieu de résonance ou dissonance heureuse... Le bénéfice du doute serait... poésie."
http://www.youtube.com/watch?v=DxCMi2pM6SQ
Rédigé par : Ceren | 26 avril 2012 à 10:38