Léonard de Vinci,
La Vierge, l'enfant Jésus et sainte Anne,
vers 1510 [toile restaurée en 2010-2012]
huile sur bois, 168 cm x 130 cm
musée du Louvre, Paris
Source
LA VIERGE, L’ENFANT JÉSUS ET SAINTE ANNE
Traduit en français par Marie Bonaparte, Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci (Eine Kindheintserinnerung des Leonardo da Vinci) sort pour la première fois en librairie le 10 juin 1910. Tout comme Michel-Ange ou Moïse, Léonard de Vinci fait partie du panthéon mythique de Freud et les figures qui le peuplent demeurent une source permanente de questionnements.
Fasciné par ce qui constitue le mystère de Vinci, l’auteur se penche sur les textes de Giorgio Vasari (1511-1574) en même temps que sur une biographie d’Edmondo Solmi, publiée en 1908. Ainsi que sur le roman historique d’un écrivain russe. Mais ce que recherche Freud dans ses lectures est absent de l’ensemble de ces textes. L’élément manquant concerne la sexualité du peintre. Dont Freud croit trouver quelque écho dans les Carnets de Leonardo. Leonardo y évoque le souvenir d’un vautour se penchant sur son berceau. Et Freud de se lancer dans une lecture complexe du tableau La Vierge, l'enfant Jésus et sainte Anne. Tableau réalisé vers 1510 à Florence par le maître du Rinascimento (et aujourd'hui conservé au musée du Louvre).
Dans un décor de pics montagneux et de ville, baigné dans un léger « sfumato », se détache un groupe de quatre personnages grandeur nature. L’Enfant Jésus, enlacé à un agneau nouveau-né, s’échappe des mains de sa mère. La Vierge, assise sur les genoux de sainte Anne, sa mère, se redresse pour tenter de retenir l’enfant. Tandis que, derrière elle, sainte Anne contemple, attendrie, la scène qui se joue entre Marie, son fils et l’agneau. Scène troublante par le jeu des regards et des sourires qui circulent entre les différents acteurs du drame à venir. Troublante également par le contraste entre l’immobilité de sainte Anne et le mouvement de tension de Marie vers l’enfant.
De l’analyse de ce tableau, Freud tire un essai passionnant : Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci. Construit sous la forme d’une enquête policière dans laquelle se croisent les propres perspectives théoriques de Freud (Trois essais sur la théorie de la sexualité) en même temps que des interprétations étymologiques et des réminiscences, chez le peintre, de mythes égyptiens.
Tout cela conduit Freud à établir une relation directe entre l’homosexualité de Leonardo et le mystère crypté des femmes qui sont au centre de sa toile. Homosexualité construite autour de la figure privilégiée de la mère (représentée ici par la Vierge mais aussi par sainte Anne). À partir du souvenir fétichiste du « vautour », évoqué par Vinci dans ses Carnets.
« Il (le vautour) me vient à l’esprit comme tout premier souvenir qu’étant encore au berceau, un vautour est descendu jusqu’à moi, m’a ouvert la bouche de sa queue et, à plusieurs reprises, a heurté mes lèvres de cette même queue. »
Freud croit déceler la présence anamorphique de l’oiseau, cachée dans les plicatures des robes et des voiles. Ainsi que dans les lignes de force autour desquelles se construit la toile. Une toile cryptée ? Un essai crypté ? Qui devra toutefois attendre l’étude de l’historien d’art Meyer Schapiro (« Leonard et Freud », 1956) « pour que la communauté psychanalytique s’émeuve », comme le remarque Jean-Bertrand Pontalis dans son avant-propos à l’une des éditions françaises de l’ouvrage.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
Image, G.AdC
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J’ai lu ce texte de Freud en entier il y a fort longtemps. Merci Angèle de me le rappeler. Le seul d’ailleurs qui ne me soit pas tombé des mains. En effet, comme artiste obsédé de visuel, j’étais intrigué par les formes et les images que je voyais surgir de mon imagination. Et de mon travail aussi (il n’y a pas de chef-d’œuvre paresseux, disait Salvador Dali. On me pardonnera l’immodestie de la comparaison. Elle me sert seulement à faire comprendre mon propos). Je voulais comprendre pourquoi je faisais ceci ou cela. Evidemment je n’ai jamais su. Enfin pas vraiment. Le temps passant et l’expérience venue. Je sais que je ne sais toujours pas. Bref, de ce temps-là, j’ai retrouvé un texte. Que dit-il ? Peut être qu’il vaut mieux faire que de savoir pourquoi l’on fait ! Me direz-vous ?
Voici :
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LEONARD FREUD
Dans le lointain derrière
Le maître esquisse des mystères
Comme la mer qui à l'horizon attire
Pour Léonard de Vinci c'est sûr
L'humanité soupire.
Le professeur déjà très vieux
Tendrement lui écarte les cheveux
Pour débusquer en vain
Tous les secrets de son hémisphère
Il a beau évoquer le vautour
Et à défaut comme lui
D'errer au sommet d'une tour
Dans celle de Léonard bien sûr
Il lui faudra entrer.
En songe je l'ai vu
Assaillir un beau matin
Par le mauvais côté l'édifice penché
Que d'aucuns en ces temps-là
Attribuèrent au Florentin.
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Pas très clair tout ça !
Comme Architecte en revanche, je vous propose un autre texte. Il est de ROLAND CASTRO. Un de mes maîtres :
LE CORBUSIER N’A PAS RENCONTRE FREUD que j’ai illustré par un photo-collage
Amicizia
Guidu___________
Rédigé par : Guidu | 11 juin 2005 à 00:52
J'ai toujours été partagé quant aux rapports de la psychanalyse et de l'oeuvre d'art. La psychanalyse (m')invite à un certain voyeurisme. Reprenons : à un voyeurisme certain.
Difficile d'y résister parfois à cette pulsion.
Mais, bon, l'Acte d'Artiste - un des Actes d'Artistes - c'est VOIR, pas VOYER. Donc, Freud j'essaye de me dire que je m'en tape.
Pour ce qui est du beau texte de Castro posté par Guidu, j'en relève cette phrase superbe :
"La ville est une poétique. J'ai toujours rêvé que l'architecture devienne littéraire."
D'ailleurs il l'avait vu, Castro, la beauté de sa phrase, puisqu'il la répète deux fois.
bises villageoises
Rédigé par : dibrazza | 11 juin 2005 à 07:54
Merci Angèle pour ce "souvenir" doublement mémorable puisqu'il me rappelle non seulement l'oeuvre en question (lue il y a plusieurs années), mais également le plaisir de mes années d'étudiante. Replacées dans leur contexte, les interprétations freudiennes demeurent fort intéressantes. Certaines ont vieilli, bien sûr, sans doute du fait des tabous qui, modelés par l'époque qui les voit naître, se désagrègent tranquillement avant d'atteindre leur point zéro: l'obsolescence. Il reste, cependant, que la "manière" de Freud (sa poursuite du "fil rouge" de la pensée créatrice à travers tous les signes qui, hors de la linéarité de l'oeuvre, en constitue la trame primaire) m'apparaît toujours d'actualité, dès lors qu'il s'agit d'envisager la création artistique ou littéraire. Une sorte de jeu de détective auquel j'adore me livrer!
À bientôt, La Juvéniste
Rédigé par : La Juvéniste | 13 juin 2005 à 08:10
Bonjour à tous, j'ai lu avec intérêt l'ouvrage de Freud traduit par Dominique Tassel concernant le souvenir d'enfance de Léonard de Vinci aux éditions points essais, mars 2011 et je voudrais insérer une remarque qui à mon sens a beaucoup d'importance. en effet, on lit page 19 ligne 13 sous la plume de Clotilde Leguil (présentation) : "Léonard est né en 1425 en Toscane à Vinci..." puis page 39 lignes 18-19 (chapitre I) : "les contemporains admiraient déjà en Léonard de Vinci (1452-1519)" et enfin page 67 ligne 23 (chapitre I): "Il (Leonard) est né en 1542 dans la petite ville de Vinci".
Il m'a fallu aller aux dictionnaires pour savoir qu'il était né en 1452!!!
Ces différentes années de naissance de Léonard de Vinci mises dans le livre devraient intéresser les psychanalystes contemporains.
Rédigé par : SATOR | 22 mars 2012 à 12:44
Dans le wikipédia consacré à cet ouvrage il y est mentionné ce qui suit :
« Dans la perspective de sa revue Terres de femmes, Angèle Paoli relie l'interprétation d'un Freud qui, au travers de son étude sur l'homosexualité de Léonard, retrouve ses « propres perspectives théoriques », à l'importance qu'elle souligne des figures féminines dans le tableau du Louvre de la Sainte Anne en tierce. »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_souvenir_d%27enfance_de_L%C3%A9onard_de_Vinci
Rédigé par : Guidu Antonietti di Cinarca ( directeur artistique de Terres de Femmes ) | 24 août 2024 à 16:12