Melville éditeur, 2004.
Ph, G.AdC LES DOUBLES JEUX DU (JE) Le « Je » dans ce texte kaléidoscopique est multiple. Ambigu, volatil, il semble tirer son épingle du (Je) en jouant sur des masques divers. Mis entre parenthèses avec ma-J-uscule à l’initiale, comme dans le titre de l’ouvrage, il boucle parfois les fins de partie, comme une signature qui se défile dans la mar(Je). Qui se cache le visa(Je). Mais il peut aussi se fondre dans le texte comme n’importe quel autre pronom personnel. Et s’affronter au « tu ». « Je » s’affirme comme étant le (Je) de Léna. Et se définit comme un « dieu » ou plutôt « l’envers d’un dieu ». Léna, c’est elle, cette femme que (Je) affirme n’avoir vue « que de dos ». Le (Je), c’est lui, le narrateur de cet étrange récit. Un narrateur photographe qui tente de capt(er)urer l’image d’une Léna qui sans cesse se dérobe, même lorsqu’elle semble se laisser un moment approcher. Apprivoiser et aimer. (Je) projette sur elle ses fantasmes, son désir, ses folies, ses obsessions. Il se fait son cinéma, s’invente des exubérances. Un journal. Un « portrait de Léna en 139 mots + 3 ». Un autre, un peu plus loin, en « 10 rêves et 3 nuits ». Des dialogues. Qui pourraient être aussi des lettres. Signées « Léna ». Partout Léna est présente mais chacune de ses apparitions est aussitôt abolie par une fantaisie qui rend son existence improbable. C’est peut-être ce qui explique l’existence du « Livre des Doutes ». Léna, la beauté aux cheveux de flammes, dicte à (Je) la marche à suivre. Lui donne des recettes. Elle le bouscule, le maltraite, elle qui est poète et jongle avec les mots. À moins que le poète, ce ne soit lui. Ou les deux, (Je) et Léna. Léna, c’est peut-être la grande sœur d’Alice. Elle connaît tous les mystères et possède toutes sortes de clés. Car « Léna en robe d’eunuque » est une magicienne. Ses propos sont déroutants. Son langage mystérieux. Mais (Je) est initié et le lecteur le suit à la trace dans sa poursuite de Léna. Dans son attente de Léna. Une attente qui s’achève sur un épilogue consacré à une approche de la poésie. Car l’histoire qui lie (Je) et Léna n’est peut-être qu’un prétexte. Un « vecteur virtuel » qui donne sa voix à la poésie. « La voix, un vivier d'étoiles voyelles. » Difficile dans ces conditions de classer Le (Je) de Léna. Le texte, véritable chassé-croisé entre récit autobiographique, aphoristique, onirique et poétique, échappe à toutes les conventions de l’écriture. Se dérobe, comme Léna, à toute tentative d’emprise. Alors, Léna ? Une métaphore de l’écriture de Carole Darricarrère ? Oui, sans doute en partie, mais pas seulement, car enfermer Léna ne se peut, pas même dans la plus noble des figures poétiques. Angèle Paoli D.R. Texte angèlepaoli |
CAROLE DARRICARRÈRE ■ Carole Darricarrère sur Terres de femmes ▼ → [Bleu est un chemin d’ambiance dans le rouge] (extrait de Beijing Blues) → Élévation du feu → Face à face avec mes mains → Imagine qu'un matin... (notice bio-bibliographique) → Je coupais souvent à travers champs → Nous vécûmes → (dans l'anthologie poétique Terres de femmes) Ulysse (Joyce remixed) → (dans la galerie Visages de femmes) le Portrait de Carole Darricarrère (+ un extrait du recueil Demain l’apparence occultera l’apparition) |
Retour au répertoire du numéro de mai 2005
Retour à l' index des auteurs
Ce sera donc mon prochain livre. Ce thème m'intéresse à plus d'un titre : l'autre (et l'écriture) effet miroir, en tant que projection de soi (si aveuglante parfois), la multiplicité et la complexité du "je" ne supportant pas l'étiquetage, le "je" pluriel, évolutif, dense et donc impossible à résumer, à posséder ou capturer totalement. Seul l'instant peut être saisi (une fraction de seconde, avant qu'il ne s'envole).
Rédigé par : chrysalide | 22 mai 2005 à 22:54