En souvenir d’un pèlerinage à Monterchi (1980) et de la rencontre à La Scheggia (Anghiari) de mon amie italienne Alfea*, cette fresque de Piero (autrefois mystérieusement cachée dans la chapelle du cimetière de Monterchi et aujourd’hui conservée dans un petit espace muséal aménagé dans une ancienne école, au centre du village). Elle a été peinte trente ans avant La Naissance de Vénus de Botticelli. (AP) _______________________ * Cf. AP, Italies Fabulae, récits et nouvelles, éditions Al Manar, 2017. Piero della Francesca, Madonna del Parto, v. 1455, Museo della Madonna del Parto, Monterchi LA MADONNA DEL PARTO La Madonna del parto […] n’est certes pas la seule, mais une des rares qui présente ainsi la grossesse de la Vierge, encore tire-t-elle, dans les autres modèles, son manteau virginal sur son ventre ou y noue pudiquement la ceinture mariale, alors qu’ici elle l’expose avec orgueil au regard, mais assurément elle est la seule d’un format de fresque aussi monumental, d’une posture altière et mystérieuse telle qu’elle n’a pas manqué de saisir l’ingénieur venu d’Arezzo, à la fin du XIXe siècle, inspecter un vieux puits du village et qui, en cette occasion, la redécouvrit par hasard, négligée puis oubliée qu’elle était dans son sanctuaire, presqu’aussitôt que peinte par Piero, en dépit de sa grande réputation, cependant elle y demeura, à travers les vicissitudes du temps, épargnée par une destruction de l’édifice qui concerna la nef et non, providentiellement, le chœur où elle était peinte. On ne peut que s’étonner de la pérennité miraculeuse de cette œuvre à la gloire de la maternité divine, même si l’on sait que les femmes venaient dès le haut Moyen Âge en pèlerinage à cet endroit pour avoir un enfant, soit que de très ancienne date un ruisseau proche, nommé Momentana, ait suscité la croyance profane en la fécondité instantanée de ses eaux de source, soit qu’une statue votive en bois de la chapelle ait relayé cette dévotion locale, et la mère de Piero était elle-même originaire de ce village, mais on ne sait si celle-ci inspira le peintre ou bien la longue tradition du lieu, ainsi les hommes perdant les raisons de croire reportent-ils de manière immémoriale la ferveur de leur espérance sur des objets qu’obscurément ils savent dignes d’elle. […] [La Madonna del parto] a ce geste sans pareil, qui a tant fait couler d’encre, par lequel elle désigne ostensiblement la place de sa maternité, les doigts de sa main droite bizarrement disposés, en une prise paradoxale, qui à la fois écarte et referme, désigne et confisque la fente que son ventre gros d’enfant ouvre sur un jupon blanc, devant lequel nous sommes comme les petits enfants posant, dans leur besoin acharné de connaissance, avec ingénuité, avidité et constance, sans toujours la formuler, la plus vieille question de l’humanité : d’où viennent les enfants. Anne-Marie Garat, Nous nous connaissons déjà, éditions Actes Sud, 2003, pp. 96-98. |
PIERO DELLA FRANCESCA Piero della Francesca, Autoritratto Storie della vera Croce, v. 1466 (affresco) Arezzo, San Francesco ■ Piero della Francesca sur Terres de femmes ▼ → Yves Bonnefoy | Une silencieuse ordalie → Erri De Luca, Piero della Francesca → [Anne-Marie Garat, II] Piero della Francesca | La Madonna del Parto → Michaël Glück, L'Enceinte → Mario Luzi | Près de la reine de Saba → Angèle Paoli | [Te souviens-tu de la Madonna del Parto ?] → Bernard Simeone | Madonna del Parto → 12 octobre 1492 | Cole Swensen, Mort de Piero della Francesca |
Retour au répertoire du numéro de mai 2005
Retour à l' index des auteurs
aujourd'hui, résultats du capes en ligne, alors je vagabonde sur la toile en patientant difficilement... Merci pour le joli moment qui m'a presque fait oublier tout ça !
à bientôt,
delphine
Rédigé par : delphine | 12 mai 2005 à 13:53
Il y a vingt-deux ans de ça. Un séminaire de recrutement de la Scuola Normale di Pisa. Le fameux historien de la philosophie Eugenio Garin nous parla, ému, de la Madonna del Parto.
Rédigé par : JC-Milan | 12 mai 2005 à 19:48
Les éditions des femmes annoncent la mise en place en librairie ce jour, jeudi 7 mai, de l'ouvrage d'Antoinette Fouque : Gravidanza-Féminologie II.
Sur la première de couverture est reproduit La Madonna del parto de Piero della Francesca.
Rédigé par : Agenda culturel de TdF | 07 juin 2007 à 11:22
OT
Bonjour,
Je vous fais suivre ce courriel des Editions des femmes reçu ce jour :
"A l'occasion de la parution de son livre Gravidanza, Antoinette Fouque sera l'invitée de Francesca Isidori dans l'émission "Affinités électives" sur France Culture, le jeudi 5 juillet à 10h.
Pendant une heure, elle dialoguera et évoquera son parcours, ses rencontres, ses combats, son oeuvre...
(Rediffusion sur France Culture le samedi 7 juillet à 6h et, en permanence, pendant une semaine sur le site internet de la radio.)
Bien cordialement,
Alliance des Femmes pour la Démocratie"
Rédigé par : Nadine Manzagol | 30 juin 2007 à 05:43
La Flagellation de Piero della Francesca. C’est un secret ! =>ici
Rédigé par : Viktor | 05 avril 2008 à 10:38
Connaissez-vous ce livre, poétique & discret, de Michaël Glück, qui lui est consacré sous le titre L'Enceinte (éd. Cadex) ?
Bien cordialement merci pour la belle et juste présentation de cette œuvre par Anne-Marie Garat (dont je connais l'œuvre par ailleurs).
Peut-être me répondrez-vous ?
AM V
Rédigé par : Anne-Marie Vidal | 16 novembre 2008 à 10:07
Bonsoir Anne-Marie Vidal,
J'ai bien rencontré Michaël Glück, en juin dernier, au Marché de la poésie, mais ne connais pas encore sa poésie et n'ai pas lu L'Enceinte. Mais vous avez attisé ma curiosité et éveillé le désir de lire cet ouvrage "poétique et discret". Je vous en remercie.
Rédigé par : Angèle Paoli | 20 novembre 2008 à 00:51
Superbe illustration musicale. Quelle est cette oeuvre ?
Concernant le bâtiment qui abrite la fresque de Piero della Francesca, il s'agit, non pas "d'un petit musée, spécialement édifié pour cette œuvre, au centre du village", mais d'un bâtiment préexistant, une école du plus pur style mussolinien construite dans les années 30. Cette situation est réputée provisoire et, à la suite d'un accord entre toutes les parties intéressées, une "relocalisation" définitive dans un bâtiment religieux est prévue.
Rédigé par : Christo DIMITROV | 21 mars 2011 à 10:07
Merci Christo Dimitrov pour ces précisions. J'ai eu l'occasion de visiter cet espace, mais ne m'étais pas interrogé sur l'historique de ce bâtiment. Pour ce qui concerne la musique, il s'agit d'une interprétation personnelle des Madrigali guerrieri e amorosi de Monteverdi par la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton.
Rédigé par : Angèle | 21 mars 2011 à 11:33
Je me permets d’apporter quelques précisions au commentaire de Christo DIMITROV.
Je suis Architecte, et pardon si ces précisions semblent hors sujet.
Je suis passionné par l’architecture italienne des années 1930 et 1940… Il n’y a pas d’architecture de style mussolinien (ce dictateur vulgaire ne comprenait rien à l’art de bâtir, aussi cette appellation est impropre). Les Italiens désormais revendiquent et assument parfaitement le style de cette époque qu’il dénomment Architettura Razionalista durante il fascismo.
Cette Architettura est l’héritière du futurismo et de mon point de vue initiatrice et ou continuatrice du Mouvement moderne.
Voir :
http://www.fotolog.com/dicinarca/26204779
http://www.aroots.org/notebook/article34.html
http://www.rebel.net/~futurist/
Amicizia
Guidu___
Rédigé par : G.AdC | 21 mars 2011 à 12:03
En réponse aux commentaires de Guidu Antonietti di Cinarca, je fais volontiers mon mea culpa pour avoir utilisé un qualificatif impropre qui visait seulement à caractériser la période de construction du bâtiment transformé en musée.
Je suis, pour ma part, ingénieur des Ponts et Chaussées et passionné d'architecture et j'aurais dû approfondir mes rares notions sur l'architecture italienne du XXe siècle et, notamment, sur l'Archittetura Razionalista, avant de rédiger mon commentaire !
Rédigé par : Christo DIMITROV | 22 mars 2011 à 12:33