Chroniques de femmes - EDITO
L’exposition « Mutations poétiques » de Jean-Sébastien Leblond-Duniach (jsld) se poursuit jusqu’au 21 mai 2005 à Compiègne dans l’« Espace Jean-Legendre ». Un espace qui se prête à merveille à cette « installation performance » dont le parcours initiatique guide le visiteur tout autant qu’il le déroute.
Vaste et lumineux, résolument moderne, cet espace contribue à une mise en relief et en contraste des œuvres de l’artiste. Divisée en trois séquences spatio-temporelles, l’exposition s’ouvre sur un étrange ready-made. Qui happe et intrigue le regard du spectateur. Convié à faire halte et à s’interroger. Sur une table basse en verre sont agencés, dans un ordre crescendo, des verres de tailles multiples. Remplis de pâtes. Des pâtes oui, mais pas n’importe quelles pâtes ! Des pâtes-lettres, qui avaient jadis l’art et l’heur de transformer le potage du soir en exercice ludique. Un art de la fugue et de la variation sur les proportions.
À l’avant de cette table, foisonnante de verres aux couleurs de sable blond, un téléviseur posé à même le sol. Des images répétitives d’un mini-scénario monté en boucle. À première vue, simple redondance de la table et de ses rangs serrés de verres justaposés. Pourquoi reproduire par une image fixe ce que le spectateur a devant les yeux ? C’est que, à y regarder de plus près, cette image n’est pas vraiment fixe : un lâcher de pâtes, surgi du haut de l’écran, emplit de manière discontinue et apparemment aléatoire tel verre ou tel autre. Selon des rythmes séquentiels dont il est difficile de déterminer la fréquence. Il pleut des lettres. Minuscules. Un rideau de lettres. Des mots s’inscrivent en flash sur l’écran. La redondance qu'on imaginait au premier abord s’efface. Elle donne la tonalité dominante de l’exposition. Et quelques clés pour s’imprégner du cheminement complexe de l’artiste. Réflexion sur la lettre. Réflexion sur le rapport qu’elle entretient avec les mots et les objets. Travail sur les mots - mais aussi sur les chiffres - et leur mise en espace. Travail sur la page, travail sur le livre et sur l’écriture. Soit manuscrite, soit typographique.
« welling wall 3 » (mur des lamentations).
jsld, « artiste composite » et « polymorphe », associe réflexion et conceptualisation poétique et plastique. Son maître en poésie : Mallarmé. Mais aussi Guillaume Apollinaire et, plus proche, Pierre Garnier, pionnier de la poésie concrète et fondateur du spatialisme, un courant poétique héritier du lettrisme d’Isidore Isou. Les œuvres, de format et de supports diversifiés, allient de façon dérangeante, mais toujours éloquente, livres reliés mais souvent muselés, et machines à écrire désossées. Aux peintures et aux collages sont associées les technologies nouvelles. L’ancien se marie au nouveau dans un dialogue riche de protestation silencieuse.
Reconnu et accueilli partout en Europe, jsld expose aussi en Afrique et aux États-Unis. Son œuvre, qui s’ouvre à d’autres formes d’art, dont la scénographie et la chorégraphie (Angelin Preljocaj), est une œuvre en mouvement. Une œuvre évolutive qui n’est jamais définitivement accomplie. L’exemple même d’un incessant et infime « work in progress ». Démarche qui nécessite une concentration extrême et intense de l’artiste. Et partant une véritable ascèse. Car l’œuvre de jsld est une œuvre exigeante. Et solitaire. Pas tout à fait cependant, car Jean-Sébastien ne se sépare jamais de son ami et alter ego, Fabrice Planquette, son ingénieur du son.
Angèle Paoli
D.R. Texte Angèlepaoli
Voir aussi : - le site de Jean-Sébastien Leblond-Duniach [nouvelle version : juillet 2008]. |
Retour au répertoire de mai 2005
Beau reportage Angèle
Rédigé par : JC-Milan | 11 mai 2005 à 22:10