24 mai 1937/Guernica au Trocadéro
Pablo Picasso
Guernica
Huile sur toile
349 x 776 cm
Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid
Le 24 mai 1937, à l’occasion de l’inauguration de l’Exposition internationale des Arts et Techniques, esplanade du Trocadéro à Paris, est exposée pour la première fois la toile Guernica de Picasso. Dans le Pavillon espagnol.
En réaction au bombardement aérien allemand du 26 avril 1937, Picasso peint Guernica, l’œuvre la plus dramatique de sa carrière. En écho à la tragédie vécue par la petite ville basque de Guernica, victime de la répression franquiste et de la coalition entre Franco et Hitler, allié du général durant la guerre civile d’Espagne. Un acte de barbarie qui signe l’entrée en scène, dans l’Histoire contemporaine, des massacres de populations civiles. Exécutée en un mois, l’œuvre de Picasso résonne comme un cri partagé entre dénonciation violente de la barbarie et espoir :
« J'ai toujours cru et crois que les artistes qui vivent et travaillent selon des valeurs spirituelles ne peuvent et ne doivent pas demeurer indifférents au conflit dans lequel les plus hautes valeurs de l'humanité et de la civilisation sont en jeu. »
Mais ne voir dans Guernica que l’interprétation historique ne revient-il pas à cantonner cette œuvre, probablement cryptée, dans un espace temporel limité qui en appauvrit le sens ?
N’y a-t-il pas une étrange coïncidence dans le fait que Picasso réalise cette immense toile (près de 8m de long sur 3m50 de large) dans l’atelier de la rue des Grands-Augustins, que lui a trouvé la photographe Dora Maar. Dans le même immeuble que celui où, Balzac, le siècle précédent, rédigeait Le Chef d’œuvre inconnu (publié en 1832) ! Dont le récit met en scène l’atelier d’un peintre (Porbus) chez qui se rencontrent un jeune artiste débutant, encore inconnu (Nicolas Poussin) et le vieux maître reconnu (Frenhofer). Tous deux fascinés par l’alchimie secrète qui lie le créateur à son œuvre, admirent et interrogent l’œuvre inaboutie qu’ils ont sous les yeux (une Marie l’Égyptienne qui se dérobe sous le pinceau de l’artiste !). Étrange mise en abyme que celle qui tisse son réseau de liens invisibles entre un peintre de la modernité et un écrivain du XIXe siècle !
Longtemps restée en exil, en France d’abord, dans l’atelier où elle a été conçue, puis au MoMA (Musée d’Art moderne) de New York, la toile de Picasso, symbole de la résistance au franquisme, n’a fait son entrée en Espagne qu’en 1981. Elle est actuellement exposée à Madrid, au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, après avoir été provisoirement transférée dans une annexe du Prado.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
Voir aussi : - (sur Terres de femmes) 19 mars 1944/Le Désir attrapé par la queue, Picasso ; - (sur Terres de femmes) 8 avril 1973/Mort de Pablo Picasso (+ vidéo) ; - (sur Terres de femmes) Dora Maar et Pablo Picasso. |
En lisant le poème d'Eluard, je me disais qu'il était très difficile d'appréhender quels pouvaient être les effets d'onde d'un poème ou d'une oeuvre d'art (outre leur valeur de témoignage). Il y a à mon sens un travail souterrain qui diffuse peu à peu dans l'inconscient collectif. On en a pour preuve que ce poème (publié dans un premier temps en 1937 dans les Cahiers d'art. Cf. Terres de femmes, Mirό, Etreintes, 21 mai 2005) a servi de thème pour le film Guernica, réalisé en 1950 par Alain Resnais et Robert Hessens. Le texte d'Eluard étant dit par Maria Casarès. Par ailleurs ce poème a aussi été mis pour partie en musique par Georges Auric.
Rédigé par: Yves | le 25 mai 2005 à 15:24
Beau monde des masures
De la nuit et des champs
Visages bons au feu visages bons au fond
Aux refus à la nuit aux injures aux coups
Visages bons à tout
Voici le vide qui vous fixe
Votre mort va servir d'exemple
La mort coeur renversé
Ils vous ont fait payer la pain
Le ciel la terre l'eau le sommeil
Et la misère
De votre vie
Ils disaient désirer la bonne intelligence
Ils rationnaient les forts jugeaient les fous
Faisaient l'aumône partageaient un sou en deux
Ils saluaient les cadavres
Ils s'accablaient de politesses
Ils persévèrent ils exagèrent ils ne sont pas de notre monde
Les femmes les enfants ont le même trésor
De feuilles vertes de printemps et de lait pur
Et de durée
Dans leurs yeux purs
Les femmes les enfants ont le même trésor
Dans les yeux
Les hommes le défendent comme ils peuvent
Les femmes les enfants ont les mêmes roses rouges
Dans les yeux
Chacun montre son sang
La peur et le courage de vivre et de mourir
La mort si difficile et si facile
Hommes pour qui ce trésor fut chanté
Hommes pour qui ce trésor fut gâché
Hommes réels pour qui le désespoir
Alimente le feu dévorant de l'espoir
Ouvrons ensemble le dernier bourgeon de l'avenir
Parias la mort la terre et la hideur
De nos ennemis ont la couleur
Monotone de notre nuit
Nous en aurons raison.
Paul Eluard, La Victoire de Guernica, in Cours naturel, 1938.
Rédigé par: Marielle | le 25 mai 2005 à 14:55
Force est de constater, tout de même, que cette immense oeuvre pacifiste en 1937 n'a pas bougé un clou quant aux événements de l'époque; frustration de l'art...?
Rédigé par: JC-Milan | le 24 mai 2005 à 21:17
GUERNICA C’EST AUSSI: PICASSO/DORA MAAR, PEINTURE AMOUR ET PHOTOGRAPHIE !
J’ai eu l’occasion à Marseille de voir une exposition remarquable consacrée à la photographe Dora Markovitch (Maar) fille d'un père yougoslave et d'une mère originaire de Touraine qui vivra son enfance en Argentine. Elle rencontrera Picasso à la terrasse du café les Deux-Magots, en janvier 1936. Paul Eluard se chargera des présentations.
Elle réalisa, entre autres, des photographies de GUERNICA au cours de la création de l'œuvre dans l'atelier de la rue des Grands-Augustins à Paris.
Voici quelques éléments de cette relation que j’ai glanés sur la toile:
*- […Elle fut l'amante et la muse de Picasso pendant sept ans, et finit par devenir l'une des figures les plus complexes de son panthéon personnel. Tenant la chronique de leur liaison, DORA MAAR photographiait Picasso au quotidien - que ce soit celui de son œuvre ou de leur intimité -, en compagnie de Breton, d'Eluard, de Man Ray ou de Jacqueline Lamba. On lui doit ainsi un témoignage unique sur la genèse de GUERNICA, cri d'indignation et manifeste politique de Picasso contre les atrocités de la guerre d'Espagne. Elle y apparaît d'ailleurs dans le personnage de la femme à la torche, avant de devenir la " Femme qui pleure ", image exemplaire pour Picasso de sa passion comme des angoisses et des doutes qui l'assaillent….]
Mary Ann Caws dans - Les Vies de Dora Maar. Bataille, Picasso et les surréalistes -
Editions Thames & Hudson
-* [… Plus qu'aucune des autres femmes qui ont partagé la vie de Picasso et l'ont inspiré, DORA MAAR va participer à son œuvre : tout d'abord lors de l'élaboration de GUERNICA dont il lui demande de photographier toutes les étapes : " tu entres dans ma tête. Tu montres comment le rêve, plutôt le cauchemar s'incarne dans la réalité de la création… " ]
Extrait d’une note de lecture de B.Bontour sur - Moi, Dora Maar - de Nicole AVRIL
Plon éditeur
*- Dora Maar - Picasso, Regards complices - Un site qui évoque la relation du peintre et de la photographe.
Amicizia
Guidu________
Rédigé par: Guidu | le 24 mai 2005 à 17:31