Source [Croisset,] 7 avril 1872. Ma chère Laure, Ma mère est morte, hier matin ! Nous l’enterrons demain. Je suis brisé de fatigue et de douleur. Je t’embrasse tendrement. Gustave Flaubert, Correspondance, tome IV, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1997, page 509. |
Retour au répertoire de avril 2005
Retour à l' index de l'éphéméride culturelle
Retour à l' index des auteurs
J'aime surtout ce "Je t'embrasse tendrement"...
Rédigé par : JC-Milan | 07 avril 2005 à 19:58
Sur la mort de la mère tout le monde a en mémoire - L’ETRANGER - d’Albert Camus. 1942.
" Aujourd'hui maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. …J'ai compris que j'avais détruit l'équilibre du jour, le silence exceptionnel d'une plage où j'avais été heureux […] C'était le même soleil que le jour où j'avais enterré maman et, comme alors, le front surtout me faisait mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la peau. A cause de cette brûlure que je ne pouvais plus supporter, j'ai fait un mouvement en avant. Je savais que c'était stupide, que je ne me débarrasserais pas du soleil en me déplaçant d'un pas. Mais j'ai fait un pas, un seul pas en avant […] Il me restait à souhaiter qu'il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine[ …] "
En 1955 Camus écrit dans la préface à l'édition américaine:
"J'ai résumé l'Etranger, il y a très longtemps, par une phrase dont je reconnais qu'elle est très paradoxale: - Dans notre société, tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort .- Je voulais dire seulement que le héros du livre est condamné parce qu'il ne joue pas le jeu. En ce sens, il est étranger à la société où il vit, il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle….
La réponse est simple, il refuse de mentir. Mentir, ce n'est pas seulement dire ce qui n'est pas. C'est aussi, c'est surtout dire plus que ce qui est et, en ce qui concerne le cœur humain, dire plus qu'on ne sent. C'est ce que nous faisons tous, tous les jours, pour simplifier la vie. .. "
Attitude romantique, cynique, nihiliste, égoïste, égocentrique, vaniteuse, désespérée, passionnée ? Attitude d’artiste probablement. Comme celle de ceux qui s’expriment sur Terres de femmes !
Pourquoi ?
Ce n’est pas des psychanalystes qu’il faut attendre la réponse. Surtout pas !
Amicizia
Guidu
Rédigé par : Guidu | 09 avril 2005 à 10:22
Beaucoup se sont en effet posé la question sur le fils "spirituel" de Flaubert, et votre questionnement semble accréditer sinon la réponse du moins l'interrogation. Il est vrai que l'esprit a parfois des faiblesses qui ressemblent étrangement à celles de la chair.
Rédigé par : YvesT | 09 avril 2005 à 13:29
En réponse à Giulia: Le « je t’embrasse tendrement » correspond pour moi à une litote. Ou de l’art de dire moins pour ne pas avoir à avouer davantage.
En réponse à Guidu : Flaubert précurseur d’Albert Camus dans le travail sur « l’écriture blanche » ? Je ne m’étais jamais posé la question avant de tomber sur la première phrase de cette lettre.
Rédigé par : angelepaoli | 09 avril 2005 à 13:51
Les Psychanalystes (Qui donc ?) n'ont rien à dire sur les artistes qui s'expriment sur Terres des Femmes....Ils ne répondent d'ailleurs qu'aux questions singulières, à condition qu'elles soient posées dans un lieu sûr et protégé des indiscrétions .
Camus a écrit "sa "vérité et cela n'empêche pas d'imaginer ( à tort ou à raison) qu'il s'est débrouillé avec ses moyens d'écriture pour ne pas trop souffrir et subir . Il avait mal à sa mère celui-ci, c'est évident... mais quel amour ! Reste l'oeuvre... l'homme, lui... a disparu !
Rédigé par : M.P. | 11 avril 2005 à 00:13
L'ESTHETIQUE DE LA LIBIDO SELON HERACLITEA.COM
"Freud, dans Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci, a mis en évidence l'importance des déterminations de l'inconscient dans la création artistique. On connaît sa célèbre analyse du sourire dans l’œuvre du peintre qu'il présente comme le souvenir inconscient du sourire de sa mère. Le plus souvent en effet Freud insiste sur les signes qui manifestent dans l'œuvre, la présence de problèmes liés à l'inconscient et à toutes les questions relatives aux problèmes sexuels ou relatifs à la " libido" (terme qui désigne chez Freud " l'énergie sexuelle "). Tous les événements qui en quelque manière pourraient révéler quelque chose de l'état psychique de l'artiste sont passés au peigne fin et interprétés dans le sens d'une compréhension profonde des rapports que celui-ci entretient avec la sexualité, le complexe d'Oedipe, les névroses ..
Même si elle n'est plus à la mode aujourd'hui la conception psychanalytique de l'œuvre d'art a beaucoup apporté au discours esthétique en matière de réflexion sur le phénomène de l'art. ( en effet : les " critiques" savent mais ne peuvent pas ...! --note du rédacteur--)
Elle a donné lieu à une littérature abondante sur la littérature, la peinture, la sculpture et a renouvelé l'intérêt que l'on pouvait prendre aux œuvres classiques."
___________________________________
Ce commentaire ne veut pas être une réponse à la question que j’ai moi même posée ici, plus bas!
Il est juste destiné à vérifier la possibilité d’encoder un lien hypertexte, tel que me l’a indiqué le webmaster !
Voici donc : Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci , Sigmund Freud (1910)
Amicizia
Guidu _____________
Rédigé par : Guidu | 11 avril 2005 à 11:55
Je pense, Guidu, qu'il faudrait aussi se référer à la psychocritique. En premier lieu aux travaux de la disciple de Freud, Marie Bonaparte(1882-1962) et à ceux de Charles Mauron.
Rédigé par : YvesT | 11 avril 2005 à 12:38
C'est le chiffre trois qui pose problème partout et depuis toujours . Inconscient ou pas inconscient, psychanalyse ou pas psychanalyse, transcendance ou pas transcendance, Dieu ou pas Dieu, toute oeuvre porte la marque d'une angoisse fondamentale d 'individuation possible ou entravée. Le trublion , la trublionne c'est le tiers, c'est la tierce, celui ou celle qui vient interroger le fusionnel qui est aussi retour au Néant des Origines. Le malheur ou le bonheur d'être né(e) se double parfois du malheur ou du bonheur de prendre conscience d'une certaine altérité qui signe la séparation radicale et douloureuse. On peut essayer d'innover dans la triangulation, on n'invente ou ne récuse pas grand chose. Mais je le répète une Nième fois, les meilleures "interprétations" sont celles que l'on se fait à soi-même.Tout le reste n'est que reconstruction hypothétique ou fiction narrative à l'usage de ceux qui en font des sujets de conversation.Freud n'a jamais été à l'abri de l'erreur d'interprétation mais son appareil conceptuel reste utilisable et perfectible. Il faut simplement garder l'honnêteté de l'ajuster à son contexte actuel. Nous sommes beaucoup moins dans l'intrapsychique que dans l'interpsychique, et "l'avenir des illusions" est plus que jamais à relire. Ouh la la... quel optimisme !
Rédigé par : M.P. | 11 avril 2005 à 16:44
Oui, la réponse s'applique bien au cas de Laure de Maupassant et de Flaubert. Dans leur cas, le trublion, c'était sans conteste le mari de Laure. Enfin, pour ce qui concerne Terres de femmes, tout est sauvé. Car, grâce à Marie-Pool, nous sommes en plein quadrilogue. Terres de femmes échappe ainsi au chiffre trinitaire et à ses mystères. Chacun sait toutefois que, dans le cas de Dieu, le troisième larron est l'Esprit. Saint ou sain ? Je ne sais plus trop.
Rédigé par : YvesT | 11 avril 2005 à 18:42
Pas si simple mon cher Yves, te souviens-tu de cette anecdote que je vous ai peut-être racontée à tous deux... Une bonne soeur croyant me rassurer en pleine effervescence oedipienne m'avait appris à tracer le 4, en me suggérant de dessiner "Un monsieur assis à qui on coupe la jambe!"... Tu vois, il vaut mieux compter jusqu'à 5 ! Quoique... Mais pas de panique, on cicatrise ou cautérise bien avec quelques effets lasers spirituels... De là à en déduire une intervention Divine, ne m'en demande pas tant !
Rédigé par : M.P. | 11 avril 2005 à 21:02
Vous avez besoin d'un cinquième à table? Juste pour effacer toute anxiété fusionnelle ;)
Rédigé par : JC-Milan | 11 avril 2005 à 21:43
Quinte flush ou quinte flush royale ? Joli coup de poker, Giulia. C'est vrai que quatre n'est pas non plus un bon chiffre. Comme au bridge, il y en a toujours un qui doit "faire le mort". Pas facile à vivre !!!
Rédigé par : YvesT | 11 avril 2005 à 21:54
Pour mettre tout le monde d’accord, je propose tout comme Voltaire dans son récit du « Nègre de Surinam » (Candide, chapitre 19, encore un chiffre impair !) que l’on coupe au perturbateur et la main droite et la jambe gauche. Qui pourra nous en conter davantage sur la symbolique inversée du manchot et du cul-de-jatte ?
Rédigé par : Angèle Paoli | 11 avril 2005 à 22:09
Arff …ne dit-on pas :
" plus on est de fous plus on rigole",
mais aussi
" un secret partagé par plus de deux, n'en est plus un" !
Donc je propose ça :
DECONSTRUCTION DE X...
Sur les chemins de l'ultra gauche
Un La Palice qui aurait lu Sade
Dresse des palissades.
Derrière, des jeunes gens
En quête de construction
Se perdent dans un chantier :
La tour de Babel, parcourue par un ruisseau nord africain.
Des milliers d'esclaves portant à bout de bras
Des blocs par les siècles accumulés,
Trébuchent sur les cailloux du Petit Poucet.
Amicizia
Guidu__________
Rédigé par : Guidu | 11 avril 2005 à 23:29
Et pour changer de registre, je vous propose un petit exercice facile, inspiré de Boèce (philosophe helléniste, mathématicien et ministre de Théodoric, roi des Ostrogoths). Prenez une feuille de papier. Dessinez un triangle, première surface, un carré, seconde surface, un pentagone, troisième surface. Pour chacune de ces figures, tracez des lignes partant du centre pour rejoindre les angles. Que constatez-vous sinon que chaque surface peut être partagée en plusieurs triangles ? Chaque surface, à l’exception d’une seule ! Le triangle. Car le triangle n’est divisible qu’en lui-même ! Et ne peut donc engendrer que des triangles ! Difficile dans ce cas d’échapper à la Trinité !
Mais j’entends déjà des voix s’élever contre ce bon Boèce ! Alors pour calmer le jeu, j’en appelle au cinq, la voix de l’ordre. Un sacré régulateur énergétique et spirituel que le cinq ! La quinte essence, en quelque sorte. Qui permet l’addition du deux, d’essence féminine, et du trois, d’essence masculine !
Allez, mes ami(e)s, faites vos jeux !
Rédigé par : Angèle Paoli | 12 avril 2005 à 00:27
Entre la vérité et le discours, manière de voir , "Maïeutique au forceps"? Quelques considérations de J.B. PONTALIS dans son "Perdre de vue"p.119, nrf Gallimard,1988 :
"Le savoir s'est toujours assigné des limites.Il y avait chez les Grecs, à côté de "l'épistemê", place pour la "doxa" ( qui est une acception de notre mot croyance) à laquelle peut même s'accoler le mot vrai (opinion vraie); autrement, pas de vie politique. Il y avait nécessité de "pistis" ( autre acception de croyance : faire confiance et crédit) sans quoi aucune vie sociale, aucune transaction n'eût été simplement possible. Il y avait aussi admiration , plus cachée, pour la "métis" polymorphe.Admettre qu'il existe un champ immense du "pas sûr" et du "bien joué", n'altère en rien la confiance du savoir en lui-même; et pas davantage, reconnaître la puissance des illusions, qu'elles aient ou non un avenir..L'illusion en effet, tant du moins qu'elle demeure définie comme faux-semblant, comme lieu d'accueil de l'imaginaire, ne menace pas le savoir dans sa constitution même.
Mais la situation paraît changer radicalement - et ouvrir plus qu'une crise : opérer un renversement - quand "savoir " et "croyance" cessent d'être placés en relation d'exclusion l'une de l'autre[...]
Rédigé par : M.P. | 12 avril 2005 à 07:51
« Entre la vérité et le discours », il n’y a aucun rapport d’évidence. Peut-être tout juste un rapport de vraisemblance. Le discours se contente de mimer, avec plus ou moins de fidélité, une vérité qui échappe à elle-même. Ce n’est nullement une manière de voir, c’est un constat, fondé sur la praxis. C’est justement parce que ce rapport d’évidence repose sur le doute, que la rhétorique est possible, qui s’infiltre, elle, dans la brèche laissée béante par ces deux entités. La rhétorique est fille de la contestation. Partout où s’impose la vérité, la rhétorique n’a pas lieu d’être.
La « doxa » n’est pas la croyance, en tout cas pas au sens religieux du terme. La « doxa », c’est l’opinion générale, celle qui est reconnue par la majorité, qui s’appuie sur des valeurs telles que le vraisemblable. La « doxa » court, pareille à la rumeur, elle se répand, partie d’où ? Pour aller où ? Pour atteindre quelle proie ? C’est un feu de poudre qui embrase les esprits et engendre stéréotypes, préjugés, idées toutes faites d’un prêt-à-penser qui tient lieu de pensée ! Difficile dans ces conditions d’en cerner la moindre parcelle d’authenticité et d’en vérifier la véracité. Ce n’est d’ailleurs pas parce que l’opinion sur un sujet est celle de tous qu’elle relève de la vérité.
En ce qui me concerne, je me méfie du consensus et je lui préfère nettement le paradoxe. Qui a le mérite de permettre des interrogations, là où la doxa pose des affirmations catégoriques et péremptoires, jamais remises en question. Quant à la vérité, qui peut dire ce qu’elle est ? « Vérité en deçà, mensonge au-delà » disait Pascal. Ou encore : « On ne voit rien de juste ou d'injuste qui ne change de qualité en changeant de climat... Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà... » Et, plus tard, bien plus tard, Pirandello de surenchérir : « À chacun sa vérité ».
Quant au savoir, il ne peut s’assigner de limites (il ne détient aucun pouvoir. Le pouvoir relève de l’homme et de lui seul !) En revanche tout savoir contient ou enferme en lui-même ses propres limites. Ce qui me permet d’affirmer, très modestement, avec Socrate : « Je sais que je ne sais rien ! » Et pas besoin de forceps pour accoucher de cette souris !
Je crois pour ma part, sans avoir lu ce texte de Pontalis auquel Marie-Pool fait référence (texte que je vais au demeurant m’empresser de lire) que la véritable pertinence du propos ne se situe pas entre « vérité et discours » mais entre « vérité et croyance », entre « savoir et croire ». Ce qui, à mon sens, ne me semble pas être du tout la même chose.
Je crois pouvoir affirmer que c’est sur ces deux concepts antithétiques et inconciliables, que se construit toute la dichotomie de la pensée antique. Dichotomie que seul l'art de la dialectique peut permettre de dépasser. Le savoir relève de la science tandis que la croyance relève d’une force de conviction intérieure. Mais l’une comme l’autre peuvent être également fausses (lire à ce sujet le texte très parlant de Fontenelle intitulé « La dent d’or »). Ou pour en revenir aux philosophes de l’Antiquité, relire tout simplement le « mythe de la caverne » de Platon.
Je ne cherche ici ni à convaincre ni à persuader, mais à argumenter. Et je ne vois vraiment pas comment y parvenir sans discours. Il me semble, mais je peux me tromper, que J.-B. Pontalis fait de même, qui a les moyens, lui, en parfait helléniste, de s’appuyer sur la « métis », « l’épistémé » et la « pistis ».
Quant à moi, qui n’ai pas eu le privilège d’étudier le grec classique, je me contenterai de me raccrocher au grand Diderot et à son fataliste de Jacques. Et de dire par la voix du célèbre valet « que chacun a son chien ». Dans un contexte, il est vrai, un peu différent de celui qui nous occupe.
Rédigé par : Angèle Paoli | 12 avril 2005 à 18:39
Croisset, le 7 avril 1872
Ma chère Laure,
Ma mère est morte, hier matin !
Nous l’enterrons demain.
Je suis brisé de fatigue et de douleur.
Je t’embrasse tendrement.
Gustave Flaubert, Correspondance
En écrivant ces lignes , Gustave Flaubert croit-il ce qu’il sait ?
Sait-il ce qu’il croit ?
On peut lui faire crédit que « Oui ! » En tout cas il éprouve le besoin de le partager. Pour autant le « discours » lapidaire contenu dans cette brève lettre qui recèle trois vérités et une marque de tendresse nous mène davantage à la compassion qu’à la rhétorique . Je suis en train de me rendre compte qu’il n’y a que cela qui m’intéresse dans la fréquentation des livres. Et si je lis aussi volontiers Pontalis, c’est à cause de sa façon de débarrasser l’objet visé par le regard de ses déguisements inutiles. Ce que Flaubert exprime ici en peu de mots est universel . Reste à décider ce que l’on en fait . On peut décider de ne rien en faire.
On l’a lu . On a probablement lu quelque chose de vrai !
Rédigé par : M.P. | 12 avril 2005 à 20:24
Ce que j'aime, quant à moi, est ce qui n'est pas dit. Le saut logique entre les faits et l'élan affectif. Ma mère est morte... tu vides un creux? Ma mère est morte... je suis sans objet? Que s'est-il passé entre nous? Peut-on d'ailleurs exprimer son amour autrement que de façon élusive...
Rédigé par : JC-Milan | 12 avril 2005 à 20:32
J'aime votre dernière approche. Qu'ajouter à "Ma mère est morte"? Ces quelques mots sont si forts, si clairs, si pleins de tout ce que l'on ne dit pas.
Rédigé par : Marielle | 12 avril 2005 à 23:08