À l’occasion du
centenaire de la mort d’Édouard Manet, survenue le
30 avril 1883, le Grand Palais à Paris organise en 1983 une importante
rétrospective sur le peintre français et son œuvre. Rétrospective
inaugurée le 23 avril 1983.

Olympia (1863) de Manet
Musée d’Orsay, Paris.
OLYMPIA
En 1863, vingt ans avant sa mort, Manet peint son Olympia. Cette toile (1,90 m x 1,31 m), inspirée de la Vénus d’Urbino du peintre italien Titien (Tiziano Vecelli), fait scandale au Salon de 1865. Notamment en raison de la présence, aux pieds de la belle « desnuda », d’un petit chat noir, à peine visible, à droite de la toile. Présence/absence qui suffit à déclencher les foudres du jury. Certes, il y avait déjà eu un chat noir « diabolique » dans une Annonciation de Lorenzo Lotto. Mais là, c’en est trop ! Qu’après le regard noir et sûr de l’odalisque nue, le spectateur doive aussi affronter les yeux perçants de ce chaton, cela tient de la provocation ! D’autant que l’animal familier vient souligner par sa présence minuscule une autre présence : celle, fortement charnelle, de l’esclave noire qui, elle, tourne un regard amusé (?) et interrogateur vers sa voluptueuse maîtresse. Il y aurait encore beaucoup à dire sur cette œuvre dont la sensualité fut loin de provoquer l’unanimité de ces messieurs du jury. Mais je ne vais vous imposer ce décryptage.
Dépité par ce nouvel échec, Manet cherche une consolation auprès de Charles Baudelaire à qui il adresse cette lettre non datée, que l’on peut situer au début de mai 1865:
« Je voudrais bien vous avoir ici mon cher Baudelaire. Les injures pleuvent sur moi comme grêle, je ne m’étais pas encore trouvé à pareille fête […] J’aurais voulu avoir votre jugement sain sur mes tableaux car tous ces cris m’agacent et il est évident qu’il y a quelqu’un qui se trompe. »
La réponse de Baudelaire, datée du 11 mai 1865, ne tarde pas :
« On se moque de vous ; les plaisanteries vous agacent ; on ne sait pas vous rendre justice… Croyez-vous que vous soyez le premier homme placé dans ce cas ? Avez-vous plus de génie que Chateaubriand et que Wagner ? On s’est bien moqué d’eux cependant ? Ils n’en sont pas morts. »
Charles Baudelaire, Correspondance (1860-1866), Gallimard, Paris, 1973, tome 2, page 496.
… Qu’après le regard noir et sûr de l’odalisque nue, le spectateur doive aussi affronter les yeux perçants de ce chaton, cela tient de la provocation !…
Franchement il faut avoir l’œil ( je l’ai pourtant , c’est bien connu …) pour deviner ce chaton en bas à droite de cette reproduction !
Alors que les mules à talons de l’Olympia de Manet sont une vraie provocation non ?
Cela me fait penser à un poème de jeunesse d'Alphonse Daudet, intitulé "Dessus de porte"
Dont voici un extrait :
Les marquises ébriolées,
Au bras d'un abbé de salon,
Font sur le sable des allées,
Craquer leurs mules à talons ;
Des négrillons, marchant derrière,
Portent la robe et l'éventail,
Ou, sur l'herbe de la clairière,
Disposent des flacons d'émail ;
La brume gaze, léger voile,
Les derniers plans de ce tableau ;
Enfin, dans un coin de la toile,
Le grand maître a signé Watteau.
Que j’ai trouvé sur: DU "BAISÉ RENDU" DE WATTEAU / MARKS À "CORTÈGE" DE VERLAINE" : RECHERCHE D’UN ITINÉRAIRE :
UN COURS EN LIGNE très intéressant avec une foultitude de liens vers des images comparées et des commentaires de Fêtes galantes !
C’est bien Internet, et Terres de Femmes encore mieux !
Merci Michelangela et Ivo
Amicizia
Guidu _____________
Rédigé par : Guidu | 24 avril 2005 à 23:43
C'est vrai, Guidu, que ce chat constitue un vrai problème (tout autant d'ailleurs que celui des frères Jacques dont on ne voit que "le petit bout de la queue" ... "qui vous électrise"). Même sur la toile du Musée d'Orsay, je ne vois que les yeux. En tout cas, il est encore moins visible sur la repro du Musée. Sais-tu que chez Daudet, il y a aussi les "mules du pape" ?
Rédigé par : Yves | 25 avril 2005 à 00:20
Vous me faites rire, tous les deux! Aux larmes, je dois dire!
Je ne connais qu'une mule pour le pape, chez Daudet! Une mule avec des pompons. Qui a le vertige en haut du clocher dans lequel elle s'est engouffrée! Et qui ne sait comment s'y prendre pour descendre les marches sans se rompre le col! Cela ne me surprend pas qu'Yves ait pensé à elle, il a le vertige, lui aussi! et pour le coq à l'âne, il est imbattable! Pauvre mule du pape. Lequel au fait?
Quant aux mules de la belle Olympia, je ne les avais pas vraiment remarquées en tant qu'éléments de provocation. Mais le chaton, en revanche, oui. Ce qui est bien la preuve que chacun voit la provocation où il veut. Mais deux éléments ne valent-ils pas mieux qu'un seul?
Et ce poème de Daudet, pour couronner le tout! Un bijou de préciosité! Dont j'ignorais totalement que Daudet, Alphonse, le père du Petit Chose, ce héros de mon enfance, fût un adepte. Merci à tous deux de vos talents et de votre humour.
Rédigé par : Angèle Paoli | 25 avril 2005 à 00:46
Je suis désolée mais le chat est tout à fait visible, il suffit d'afficher l'agrandissement ! Merci à Manet de faire encore parler de lui ... cette odalisque est une pure provocation pour montrer à quel point certains sont pauvres d'esprit...
Rédigé par : une passante | 31 mars 2007 à 09:48
Visible, oui (sinon, la toile ne serait plus ce qu'elle est et n'aurait donc plus les mêmes raisons d'être). Mais d'emblée, non semble-t-il, puisqu'il "suffit d'afficher l'agrandissement" ou de se rapprocher de la toile. Ce que j'ai naturellement fait au Musée d'Orsay.
Rédigé par : Yves | 31 mars 2007 à 10:59
Pourquoi CETTE Odalisque en particulier ? Toutes les odalisques ont en effet à voir avec une forme de provocation. Comme l'art en général ! Seuls les esprits puritains peuvent s'en offusquer. Quant aux "pauvres d'esprit", chacun sait que "le royaume des cieux" leur appartient ! Il faudrait dans ce cas engager un débat sur les relations entre cosmogonie et art.
Rédigé par : Angèle Paoli | 31 mars 2007 à 22:50