TARAILLETTES
La gatouille, resserre du garde-manger. Pièce exiguë et sombre à vocation de fourre-tout. Fenêtre grillagée donnant sur le ruisseau. Humidité et roucoulement régulier de l’eau qui court son destin. Fraîcheur. Obscurité. Odeur de victuailles. Fromages et œufs. Jambons salés suspendus aux solives sombres. Tresses d’agrumes.
Étagères. Étagères branlantes. Étagères de casseroles. De taraillettes bosselées. Étagères. Étagères de vaisselles dépareillées. Guirlande de fleurs. Bols ébréchés. Tiroirs. Tiroirs mystérieux. Tire-bouchon. Couverts biscornus. Râpe à fromage. Anti-monte lait. Tiroirs déhanchés. Grinçants, résistants. Paniers en osier suspendus à un clou. Bidons de lait, laiton cabossé. Étagère civilisée. Parcourue d’un feston de dentelle bleue. Feston jauni.
Moulin à café que l’on tient à disposition sur l’étagère la plus haute. Moulin à café qui crisse le matin dans la cuisine. Odeur du café qui se répand et monte jusqu’aux chambres. Moulin à café : tourner la manivelle, puis tirer le tiroir minuscule pour avoir le privilège de humer la première l’odeur enivrante de la poudre recueillie en petit monticule. Café. Les grains qui se sont échappés sur la toile cirée. Grains indociles, ivres de liberté. Grains fendus, lisses et doux au toucher, que l’on rassemble du revers dodu de la main. Que l’on fait glisser et rouler rondement avant de les porter aux narines. Puis de les enfermer dans le moulin. Plaisir de tirer sur l’ouverture bombée en demi-cercle. Cuivrée l’ouverture. Du même cuivré et du même bombé que le casque de soldat du grand-père. Mort avant le début de l’été.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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et il y avait tous ces bruits dans la cuisine et entre ces bruits sa présence silencieuse qui m'enveloppait de silence et il y avait tous ces bruits qui brisaient son silence, tous ces bruits qui aujourd'hui me reviennent en mémoire,et j'entends encore tous ces bruits qui me parlent d'elle, d'elle et de son mystérieux silence.
Clem.
Rédigé par : clementine | 03 juillet 2005 à 18:56