Antonella AneddaImage, G.AdC
PRIMA DI CENA
« Prima di cena, prima che le lampade scaldino i letti e il fogliame degli alberi sia verde-buio e la notte deserta. Nel breve spazio del crepuscolo passano intere sconosciute stagioni; allora il cielo si carica di nubi, di correnti che sollevano ceppi e rovi. Contro i vetri della finestra batte l’ombra di una misteriosa bufera. L’acqua rovescia i cespugli, le bestie barcollano sulle foglie bagnate. L’ombra dei pini si abbatte sui pavimenti; l’acqua è gelata, di foresta. Il tempo sosta, dilegua. Di colpo, nella quiete solenne dei viali, nel vuoto delle fontane, nei padiglioni illuminati per tutta la notte, l'ospedale ha lo sfolgorio di una pietroburghese residenza invernale.
Ci sarà un incubo peggiore
socchiuso tra i fogli dei giorni
non sbatterà nessuna porta
e i chiodi piantati all’inizio della vita
si piegheranno appena.
Ci sarà un assassino disteso sul ballatoio
il viso tra le lenzuola, l’arma posata di lato.
Lentamente si schiuderà la cucina
senza fragore di vetri infranti
nel silenzio del pomeriggio invernale.
Non sarà l’amarezza, né il rancore, solo
- per un attimo - le stoviglie
si faranno immense di splendore marino.
Allora occorrerà avvicinarsi, forse salire
là dove il futuro si restringe
alla mensola fitta di vasi
all’aria rovesciata del cortile
al volo senza slargo dell’oca,
con la malinconia del pattinatore notturno
che a un tratto conosce
il verso del corpo e del ghiaccio
voltarsi appena,
andare. »
Antonella Anedda, « Prima di cena », Residenze invernali, Crocetti, Milano, 1992.
TRADUCTION
« Avant l’heure du dîner, avant de passer la bassinoire à l’intérieur des lits, avant que le feuillage des arbres ne se vert-de-grise et que la nuit soit déserte. Dans le bref mitan du crépuscule défilent inconnues des saisons tout entières ; le ciel se couvre alors de nuages, le vent se lève et balaie souches et ronces. Contre les vitres de la fenêtre bat l’ombre d’une mystérieuse bourrasque. L’eau renverse les buissons, les bêtes trébuchent sur les feuilles détrempées. L’ombre des pins s’abat sur le dallage ; l’eau, de la forêt, est glacée. Le temps se fige, se dissout. Soudain, dans la tranquille solennité des avenues, dans le creux des fontaines, dans les pavillons illuminés tout au long de la nuit, l’hôpital a la clarté fulgurante d’une résidence d’hiver de Saint-Pétersbourg.
Il y aura un cauchemar bien pire
tapi entre les feuilles des jours
aucune porte ne claquera
les clous plantés à l’orée de la vie
se courberont à peine.
Il y aura un assassin étendu dans la coursive
le visage entre les draps, l’arme posée à côté.
Lentement s’entrouvrira la cuisine
sans fracas de vitres brisées
dans le silence de l’après-midi d’hiver.
Il n’y aura ni amertume ni rancœur, seulement
- un court instant - la vaisselle
débordera de splendeur marine.
Alors il faudra s’approcher, sans doute grimper
là où le futur se rétrécit
jusqu’à la table encombrée de vases
jusqu’à l’air chaviré de la cour
jusqu’au vol indéployé de l’oie,
avec la mélancolie du patineur nocturne
qui sait au bon moment aligner son corps avec la glace
se retourner à peine,
s’en aller. »
D.R. Traduction Angèle Paoli
BIO-BIBLIOGRAPHIE
D’origine sarde et corse (Serra de Serra-di-Scopamène par sa grand-mère), Antonella Anedda (Antonella, Amelia, Ester, Maria, Roberta Anedda-Angioy) est née le 22 décembre 1955 à Rome où elle a suivi des études d’histoire de l’art. Elle partage son temps entre la « Ville éternelle », Lugano, la Corse* et l'île sarde de La Maddalena, « un’isola nell’isola », « île d'une pensée » selon les termes d'Antonella Anedda, allégorisation d'une nécessaire condition poétique de solitude et d'insularité dont l'écho se retrouve dans le vers de Celan : « Niergends fragt es nach dir » [In nessun luogo si chiede di te].
« Scrivo con pazienza
all’eternità non credo
la lentezza mi viene dal silenzio
e da una libertà ― invisibile ―
che il Continente non conosce
l’isola di un pensiero che mi spinge
a restringere il tempo
a dargli spazio
inventando per quella lingua il suo deserto. »
(Notti di pace occidentale, op.cit., p. 14)
« J’écris avec patience
je ne crois pas à l’éternité
la lenteur me vient du silence
et d'une liberté ― invisible ―
que ne connaît pas le Continent
l’île d’une pensée qui me pousse
à resserrer le temps
à lui donner de l’espace
en inventant pour cette langue son désert. »
Antonella Anedda a enseigné le français à la Faculté des lettres et de philosophie de l'Université de Sienne/Arezzo, avant de travailler pour l’Istituto di studi italiani (ISI) de Lugano (Università della Svizzera italiana) et d'occuper la chaire d'anglistique de l'université de Rome. Elle écrit dans de nombreux périodiques et revues : Il Manifesto, Legendaria, Linea d’ombra, MicroMega, Nuovi Argomenti (éditions Mondadori), Poesia (éditions Crocetti).
Antonella Anedda est l’auteure de six recueils de poésie :
- Residenze Invernali (Crocetti, Milan, 1992, préface d'Arnaldo Colasanti), pour lequel elle a reçu le prix Sinisgalli, le prix Diego Valeri et le Tratti Poetry Prize ;
- Notti di pace occidentale (Donzelli, Rome, septembre 1999). Prix Montale 2000 ;
- Il catalogo della gioia (Donzelli, Rome, 2003) ;
- Dal balcone del corpo (Mondadori, Collection Lo specchio, Milan, juin 2007). Prix Napoli 2007. Prix Giuseppe Dessì 2008 ;
- Salva con nome (Mondadori, Collection Lo specchio, Milan, mars 2012). Prix Viareggio-Repaci 2012 [extraits ICI] ;
- Historiae, Giulio Einaudi editore, 2018.
Elle a également publié plusieurs essais et recueils de nouvelles, dont :
- Cosa sono gli anni (Fazi Editore, Rome, 1997) ;
- La luce delle cose (Feltrinelli, Milan, 2000) ;
- Tre stazioni (LietoColle, Faloppio, 2003) ;
- La vita degli dettagli (Donzelli, collana Saggine, Rome, 2009) ;
- Isolatria. Viaggio nell'arcipelago della Maddalena (Laterza, Collana Contromano, 2013).
En tant que traductrice, elle a aussi dirigé l'édition de deux ouvrages de Philippe Jaccottet : Appunti per una semina : poesie e prose 1954-1994, anthologie de poèmes (Fondazione Piazzolla, Rome, 1994), et l'édition italienne de La parola russia (Donzelli editore, 2004 ; éd. fr. : À partir du mot Russie, Fata Morgana, 2003). Elle a en outre publié un recueil de variations poétiques et de poésies étrangères intitulé Nomi Distanti (Empiria, Rome, 1998). Elle a aussi traduit Les Tristes d'Ovide, et, plus récemment, Ann Carson et Jamie Mckendrick, et s'apprête à publier un ouvrage consacré à l'art contemporain (et notamment à Bill Viola).
Tenue pour l’une des voix les plus originales de la poésie italienne contemporaine, Antonella Anedda est présente dans de très nombreuses anthologies italiennes et étrangères. Une traduction partielle de Notti di pace occidentale (Nuits de paix occidentale & autres poèmes) a paru en 2008 aux éditions bordelaises L'Escampette (traduction de Jean-Baptiste Para, directeur de la revue Europe)**. Certains des poèmes de Notti di pace occidentale ont paru dans le n° 1 de la revue Confluences poétiques (Mercure de France, mars 2006), dans le n° 132 (décembre 2006) de la revue Décharge, dans le n° 20 (automne-hiver 2007) de la revue Rehauts, dans la revue Europe (novembre 2007)***, et dans le n° 5 (janvier 2014) d’Inuits dans la jungle.
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* « Le rectangle de ces feuilles est l’enclos qui redouble la solitude de cette île : la Corse ― ni italienne, ni étrangère ― où j’ai cherché à résister au vide qui croissait autour de tout ce que j’aimais et qui était devenu invincible, pour moi, à Rome, sur le Continent » (Antonella Anedda in « Basse Lumière », avant-propos de Nuits de paix occidentale, L’Escampette Editions Poésie, 2008, page 7).
** Ce volume est une anthologie qui rassemble plusieurs séquences de l’œuvre d'Antonella Anedda, issues de Notti di pace occidentale, de Nomi distanti, d'Il catalogo della gioia, de Dal balcone del corpo et de La luce delle cose.
*** Antérieurement à cette publication, d'autres poèmes issus de ce recueil ont été traduits en français dans diverses revues, et notamment dans Arpa, n° 67, 1998 (traduction de Raymond Farina), Journal des poètes, n° 2/2001, Maison Internationale de la poésie de Bruxelles (traduction de Raymond Farina), Les Cahiers de poésie-rencontres, Écritures de femmes, n° 49-50, Lyon, mai 2002 (traduction de Marc Porcu).
Ci-dessous, le texte original du poème de la revue Po&sie :
"Non ho voce, né canto
ma una lingua intrecciata di paglia
una lingua di corda e sale chiuso nel pugno
e fitto in ogni fessura
nel cancello di casa che batte sul tumulo duro dell'alba
dal buio al buio
per chi resta, per chi ruota."
Rédigé par : Yves | 02 mars 2005 à 13:06
Conosco la poetessa Antonella Anedda da alcuni anni e, senza campanilismo*, mi sento di affermare che è una delle voci più alte della poesia italiana contemporanea.
*anch'io sono sarda
Rédigé par : blumy | 25 mars 2005 à 12:42
Grazie per il suo commento. Mi fa molto piacere di accogliere sul mio sito un'altra isolana. Lei conosce personalmente Antonella Anedda ?
L'ho scoperta grazie ad un'altra poetessa di Corsica, Marie-Ange Sebasti. Lei potrà leggerla sul mio blog se lei conosce un pocchino il francese.
Amicizia
Anghjula
Rédigé par : Angèle Paoli | 25 mars 2005 à 15:42
Dans le numéro d’automne (sortie en octobre) de la revue Rehauts (24 rue du Bas, 62180 Airon-Notre Dame / 105, rue Mouffetard, 75005 Paris), revue animée par Jean-Pierre Chevais, Hélène Durdilly et Jacques Lèbre, sont proposés des extraits de Dal balcone del corpo/Du balcon du corps (Mondadori, Collection Lo specchio, Milan, 2007) de Antonella Anedda. Par ailleurs, le prochain numéro de la revue Europe (novembre 2007) publiera une traduction française inédite (par Jean-Baptiste Para) des derniers chapitres de La luce delle cose. Immagini e parole nella notte (Feltrinelli, 2000)
Rédigé par : Agenda culturel de TdF | 19 septembre 2007 à 22:56