TRIPTYQUE : PORTRAITS DE TROIS « FEMMES EN MOUVEMENT »
- Brigitte Brohard-Bohn, chargée de la communication à l’INSERM
- Marianne Cantacuzène, lectrice-marcheuse
- Marie-Christine Saunier, peintre-calligraphe
Pour cette « journée particulière », j’ai choisi de proposer, dans ma revue Terres de femmes, le portrait de trois personnalités très différentes, tant par leurs origines, leur formation, leurs activités professionnelles que par leurs choix de vie. Tout apparemment les différencie, mais toutes trois sont mes amies.
I - PASSION ET RAFFINEMENT
Brigitte Brohard-Bohn
Brigitte Brohard-Bohn est une scientifique. D’esprit, de formation et de cœur. Femme de caractère, élégante et raffinée, elle met tout son talent et toute son énergie au profit de la recherche médicale. Auteur de plus de quarante publications dans les revues scientifiques internationales, elle est, depuis 2001, chargée de la communication scientifique à l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche médicale). Elle y côtoie au quotidien les plus grands généticiens de France et d’ailleurs. Déléguée générale de la Fondation « IMAGINE » (Institut des Maladies Génétiques de Necker Enfants-Malades), chargée de la communication et des programmes de financement, Brigitte Brohard-Bohn est passionnée par son travail.
Récemment, elle a élargi son éventail de communication en l’orientant vers le grand public. Afin de permettre aux chercheurs de « sortir de leur réserve ». Et de donner à comprendre au plus grand nombre sur quelles interrogations repose leur travail d’aujourd’hui et de demain. Mais également pour contribuer à ouvrir le champ de la réflexion scientifique à d’autres disciplines, comme la philosophie par exemple. Établir des connexions entre les différents domaines d’activité intellectuelle, telle est l’ambition de Brigitte Brohard-Bohn. C’est ainsi que lui est venue l’idée d’organiser des « Cafés Santé ». Qui permettent au public de rencontrer des personnalités du monde scientifique aussi différentes et complémentaires que Jean-Claude Ameisen, Axel Kahn ou Pierre Sonigo, et de dialoguer en direct avec elles. Ces « Cafés Santé », au nombre de trois par an, se déroulent Carrefour de l’Odéon, à Paris, au Café restaurant « Les Éditeurs ». Dans une atmosphère intime et très conviviale.
Parallèlement à sa vie parisienne, Brigitte Brohard-Bohn, amiénoise d’adoption, conduit cours et conférences à l’Université de Picardie Jules-Verne où elle est professeur de biochimie et d’enzymologie.
Excellente et séduisante ambassadrice, Brigitte Brohard-Bohn est aussi amateur d’art. Spécialisée, tout comme Yvan Brohard, son époux historien, dans les bois et les terres cuites chinoises. Ensemble, ils organisent, en tant que commissaires d’exposition, de prestigieuses et ambitieuses manifestations culturelles. Tant en France qu’à l’étranger. En Italie notamment. Ensemble ils contribuent par leur savoir, leur savoir-faire et la qualité de leurs prestations à faire connaître et apprécier les arts d’Asie.
Voyageuse infatigable, régulièrement invitée par le gouvernement chinois, Brigitte Brohard-Bohn arpente le continent asiatique dès que ses activités scientifiques lui laissent un peu de répit. Également collectionneuse de bijoux ethniques, qu’elle choisit avec beaucoup de goût et de soin, Brigitte Brohard-Bohn aime à partager ses passions. L’occasion pour cette amie précieuse, qui connaît aussi l’art de recevoir, de concocter une cuisine d’un subtil raffinement. Pour le plus grand plaisir de l’esprit et des sens.
II - PORTRAIT D'UNE FEMME LIBRE
Raymond Godefroy et Marianne Cantacuzène
Je ne connais pas femme qui ait un parcours aussi « inattendu » que celui de Marianne Cantacuzène. Elle aussi issue d’un milieu scientifique, elle est cartographe de formation. Elle a pourtant très tôt abandonné cette voie. Elle a choisi de travailler dans le milieu du théâtre. Longtemps chargée des relations publiques à la Comédie de Picardie, Marianne a finalement opté pour « la vie d’artiste ». Un choix difficile et douloureux à plus d’un titre, qui correspond pourtant aux ambitions réelles et à la sensibilité de cette amie très chère. C’est au cours d’un séjour aux Indes que se sont affirmées et affinées les aspirations de Marianne Cantacuzène. Qu’elle a réfléchi et mis au point le projet artistique (Paroles buissonnières) qui lui tenait à cœur depuis si longtemps. Marcher et lire. Lire et marcher. Car Marianne se définit aujourd’hui comme « lectrice-marcheuse ».
Depuis son premier exploit, réalisé le long de la Méridienne verte, des Pyrénées jusqu’à Dunkerque, avec l’intégrale du Don Quichotte de Cervantès sous les bras, Marianne n’a cessé d’imaginer les projets les plus originaux et les plus ambitieux. Qu’est-ce qui pousse cette artiste à se lancer dans des entreprises aussi folles que périlleuses ? À parcourir ainsi sentes et chemins ? Son désir profond de partager avec d’autres, tous publics confondus, les écritures qui la portent. Dévoreuse de textes, Marianne est avant tout une « découvreuse ». Mais le plus grand talent de Marianne réside dans sa générosité. Une générosité sans tabous ni frontières. Comme le sont la poésie et la littérature. Pour Marianne, aucun doute, c’est dans la littérature que se cachent les vraies réponses qui nous sauveront des périls de demain. Car Marianne croit au pouvoir des mots. Toute sa réflexion, elle la construit « autour et sur » son désir de « passeuse ». Femme engagée, Marianne l’est sûrement. Depuis toujours, jusqu’au fond du cœur. Mais cet engagement passe par la voix, passe par le corps d’où monte cette voix. Par son corps en marche à travers champs et saisons. Pour elle, c’est une dimension vitale que de retrouver les rythmes intimes et harmonieux de la nature, de reprendre place dans l’espace, de nouer avec lui une respiration profonde, de mettre ses pas dans les sentiers balayés par les pluies d’hiver et l’odeur des fenaisons d’été. Et, au bout du chemin, de rejoindre ceux qui sont venus à sa rencontre. Pour écouter, au coin du feu parfois, la lecture du soir. Telle qu’elle se pratiquait jadis. Partager avec ceux qui lui ont fait confiance, le plaisir de lectures oubliées ou inconnues. La vraie récompense de Marianne est dans cette rencontre, dans les vibrations et les émois qu’elle suscite.
Intermittente du spectacle, Marianne a la vie dure. C’est tous les jours qu’elle se bat contre d’invisibles et tenaces obstacles. Pour que sa passion puisse continuer d’exister. Pour que son travail ait encore droit de cité parmi tous ceux qui, comme elle, continuent à croire et à espérer que la littérature et la poésie ont encore un rôle à jouer dans nos sociétés abusées désabusées. Merci à Marianne de nous apprendre qu’il est encore possible d’être une femme libre.
Pour en savoir plus, consulter le site de « Paroles buissonnières ».
III - DE LA PEINTURE A LA CALLIGRAPHIE, DE LA CALLIGRAPHIE A LA PEINTURE
Marie-Christine Saunier et Maître Schioun
Marie-Christine Saunier est éditrice de métier. Mais elle est surtout peintre et calligraphe. Du plus loin que je me souvienne, il me semble que je l’ai toujours connue avec un carnet de croquis au fond des poches et un stylo de calligraphe à la main. À tout moment, elle croque des formes sans s’appesantir sur les choses. Son œil précis et juste capte l’essentiel de ce qui est une prise de notes, faite sur le vif. C’est un premier jet, une première ébauche. Passionnée de peinture, ses maîtres à penser sont Henri Michaux, Simon Hantaï, Jackson Pollock. Mais aussi les peintres japonais.
Depuis longtemps déjà, l’artiste travaille la calligraphie avec son maître, la calligraphe japonaise Maître Schioun : « Nuage violet » (Michiko Nakasato). Qui lui a transmis savoir, sagesse et philosophie de l’Orient. Nourri d’interrogations, le travail de l’artiste, toujours en recherche, est sans cesse en évolution. Marie-Christine Saunier pratique l’art de la variation. Tant avec les encres qu’avec la peinture. Ses encres de Chine (le noir associé au blanc), sur papier de riz, se diluent dans les ocres, les violines, les terres de Sienne, les bruns et les jaunes. Les formes abstraites où tous les dégradés de bruns se fondent au noir et au gris, composent d’étranges paysages. La lumière filtre par endroits, accusant les reliefs qui laissent échapper des formes improbables. L’œil circule, glisse d’une trouée de lumière à l’autre, se fraye un passage entre les ramures en réseaux. S’échappe de la toile. Tout dans le travail de l’artiste est dans le trait. Dans le rapport que le trait entretient avec l’espace et les mouvements dans l’espace. Tout se joue sur les déliés et les vastes courbes qui laissent filtrer la lumière. « Le geste, c’est l’encre. La peinture, c’est la matière et la couleur. » C’est ainsi que Marie-Christine Saunier définit son travail. Davantage qu’aux choses, l’artiste s’intéresse aux signes. Et aux traces. Traces bues, par les savants mélanges de ses encres et de ses couleurs. Traces qui tissent leurs ridules noyées dans la trame du papier choisi avec art.
Le geste, chez l’artiste, la souplesse et la qualité des pinceaux choisis avec un soin précieux, le dosage des couleurs et de l’eau, la délicatesse de la touche, sont autant d’éléments qui contribuent à donner à cette œuvre toute sa profondeur. Sa richesse intérieure. Mais l’intériorité précède le geste, lui donne vie. Derrière le geste, associé aux encres, les signes fusent, s’entrechoquent, se rencontrent. Et fusionnent pour donner sens à une matière picturale sans cesse en devenir. Une peinture qui se laisse difficilement cerner par les mots. Qui se lit et se construit dans le silence. Une œuvre exigeante que celle de Marie-Christine Saunier.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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