« Je veux faire la vendetta »
Voilà quelque temps que je suis à la recherche de la version corse du Voceru de Caninu, l’un des plus célèbres « voceri » de toute la littérature corse. Jean Lorrain en donne l’intégralité (en français) dans son ouvrage Heures de Corse (édité pour la première fois en 1905, cet ouvrage a juste un siècle), ouvrage que l’éditeur Rumeur des âges (7, rue Duparty, 17000 La Rochelle) a eu la très heureuse idée de rééditer en 1999 (un petit bijou de livre !!!). Pour l’instant, je n'ai trouvé que le couplet final de ce voceru (dans sa version corse).
« Vogliu lacà lu bunetru
Vogliu armà schjoppu è stilettu
Vogliu conghje la terzetta
Cani, cor di la surella
Vogliu fà la to vindetta. »
Si un(e) compatriote corse pouvait me transmettre l’intégralité de ce voceru (en corse), je lui en serais infiniment reconnaissante.
Ci-après un extrait de la traduction fournie par Jean Lorrain :
« Ô mon large d’épaules, toi qui avais la taille dégagée, nul ne t’était comparable ; tu ressemblais à un rameau fleuri. Ô Canino, cœur de ta sœur, ils t’ont privé de ta vie
À rien ne te servit l’arquebuse, à rien ne te servit le fusil, à rien ne te servit le poignard, ni le pistolet, ni l’oraison bénite.
Loups contre un agneau, ils se sont tous réunis et, quand ils arrivèrent dans la montagne, ils te coupèrent la gorge.
Au pays de Nazza, je veux planter une épine noire, pour que de notre race nul ne passe désormais […]
Je veux quitter la jupe, je veux m’armer du fusil, prendre le stylet, ceindre la cartouchière, je veux porter le pistolet. Ô Canino, cœur de ta sœur, je veux faire la vendetta. »
Jean Lorrain poursuit avec le commentaire suivant :
« Et les guitares, sous l’effleurement des doigts, grincent et se plaignent ; les voix se lamentent, gutturales et profondes, déjà entendues, on dirait, dans les cafés arabes du Sahel ou dans les cabarets de la Triana. Il y a de la mélopée du muezzin dans la monotonie attristée de cet appel qui se traîne, s’élève tout à coup et retombe ; il y a de la passion espagnole dans cette note sourde et toujours tenue de l’accompagnement de la guitare ; mais il y a aussi quelque chose en plus, comme une sauvagerie ardente et sombre, une sauvagerie aux yeux de braise, à la pâleur de cire, telles ces étranges femmes en deuil journellement rencontrées au creux des sentes ombragées de chênes verts des routes de Bastia et du Salario. »
Jean Lorrain, Heures de Corse, Rumeur des âges, 1999, page 35.
Voir aussi sur unedap.org les pages consacrées à Jean Lorrain.
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