Elle épluche avec émotion les carnets de son père. En réalité, un classeur aux feuilles décolorées, délavées. Dès la première page, elle lit :
Image, G.AdC
Mars 1969
« Je reprends ce vieux carnet, vieux de 30 ans, aux lignes jaunies, certaines délavées. J’avais 20 ans lorsque j’y jetais ces miettes de pensées, de réflexions fugitives. Sans les creuser, sans les approfondir, et sans idée précise sur leur destination. Longs séjours dans les caves, les greniers, les fonds de tiroir. Voyages à travers la France. J’étais vaguement étudiant en droit (2e année). Je n’avais pas voulu réintégrer, comme interne, le lycée Thiers, en Khâgne ou à « colo ». Ce fut probablement une erreur. Plus de bourse. Vivre à Bastia. Sans argent, sans but. C’est mourir à la médiocrité, à l’ornière, à l’enlisement. « Partir, c’est mourir un peu ».
Elle feuillette, page après page. Date après date, elle cherche. Des allusions à Angèle, sa grand-mère. Elle cherche des souvenirs. De son enfance à lui, son père. Enfance qu’il a vécue auprès de son beau-père, épousé en secondes noces. Celui qu’enfant, elle, la petite, appelle Babbò. Le seul grand-père qu'elle ait eu. Celui qui lui fignolait sur le balcon de Bastia les landaus en bois de ses poupées de chiffons et de laine. Celui qu’elle accompagnait, trottinant fièrement à ses côtés. Ensemble, ils traversaient la ville jusqu’à la place du Vieux-Marché. C'est là qu’ils allaient chercher le poisson frais. Elle et son babbò. Silencieux et patient.
Elle cherche des notations sur Nonza, le village de ses vacances. À lui, son père. Elle ne trouve rien. Rien qu’elle ne sache déjà. Rien sur les récits qu’il lui faisait de ses exploits d’adolescent malingre et peu sportif. Elle se souvient du récit de ses expéditions nocturnes où il jouait sa vie, en aveugle. Là-haut, sur le rocher troué au pied de la Tour. Il fallait, au plus noir de la nuit, sous les hourras du groupe, tourner autour du « tafunatu » (la roche percée). Sans trébucher. Le moindre faux-pas et c’était la chute. La chute vertigineuse. Le trou béant qui s’ouvre sur un à-pic de plus de deux cents mètres. En aplomb sur la mer. Avec, en contrebas, la noire profondeur d’"a piscina". C’était un défi permanent que son père se donnait à lui-même. Lui, l’intellectuel « binoclard », l’enfant meurtri, dès le plus jeune âge, par une exceptionnelle myopie qu’il s’efforçait de dompter, de maîtriser, de dominer. Afin de déjouer les « ricaneries » cruelles des camarades de jeu.
Rien, non plus, sur les expéditions nocturnes au cimetière de Navaghjelli. Où il fallait naviguer entre les tombes, noyées sous les formes inquiétantes de la chênaie. Louvoyer parmi les morts à la lumière des feux follets. Invoquer par des litanies incantatoires leurs esprits défunts. Et contenir sa peur. Ne rien laisser filtrer de l’angoisse qui le tenaillait au ventre. Rien de tout cela non plus dans les pages jaunies du carnet.
Mais, noté à la date du mercredi 1er mars 1939, elle lit :
« Nous apprenons que mon cousin Loulou Caratini, capitaine au long cours, est mort en mer. (Perdu ? Noyé ? Suicidé ?) « Ô flots que vous avez de lugubres histoires ! » Dix-neuf ans avant, son cousin germain, mon père, périssait avec tout son bateau, corps et biens. »
Rien d’autre. Depuis, elle a appris par d’autres voix que « Le Vidauban », le navire marchand sur lequel naviguait Ange-Marie, son « vrai » grand-père, avait sauté sur une mine le 20 mars 1920. Entre Mostaganem et Saint-Louis du Sénégal. Laissant Angèle, veuve avec Jean-Rachel, son fils, tout juste âgé de quatorze mois.
Elle n’a rien trouvé non plus sur la souffrance que la perte du père a laissée en lui de traces mortelles. Rien sur la question insondable de son identité. Rien non plus sur le couple de sa mère et de son beau-père. Et de l’histoire qui fut la leur. Silence. L’extrême pudeur de son père ! Marque d’une blessure inguérissable. Dont il a voulu porter le poids ? Seul. Un poids trop lourd qui a pris la forme d’un trop cruel destin !
Peut-être doit-elle relire les pages de ce carnet avec plus d’attention ? Peut-être lui faut-il confronter ce classeur avec les suivants afin d’établir croisements, réseaux, recoupements ? Elle le fera, dès qu'elle montera dans le grenier de la vieille demeure.
À feuilleter ainsi les pages des carnets du père, il lui vient le désir de confronter ce dont elle a gardé le souvenir et ce que son père écrit sur sa propre mère.
Elle, que sait-elle aujourd’hui d’Angèle ? Que lui reste-t-il d’elle ? Si peu de choses, en réalité. Des bribes de vie qu’elle tente de reconstituer. La vie d’Angèle à Canari où elle était née. Avec ses sœurs. Les trois sœurs. De Julie, la rabelaisienne Julie, elle revoit encore les yeux de taupe, cachés derrière l’épaisseur de gros verres ronds. Pareils à ceux de son père. L’imposante Julie, toute en corpulence. Sa truculence légendaire ! Sa passion pour les tripettes et les gras-doubles ! Elle, elle l’aimait bien, Julie. Avec son accent qui se fourvoyait dans ses chicots ! Ses cheveux blancs tirés en un pauvre chignon jauni sur sa nuque. C’est sans doute de Julie qu’elle, l’enfant, elle tient son goût des pieds-paquets et autres spécialités « de même farine ». Et de la langue verte ! Spécialités tenues dans le plus grand mépris par la famille du Commandant B. Et c’est peut-être aussi du langage peu châtié de sa grand-tante qu’elle tient sa passion pour le grand maître Alcofribas Nasier. Anagramme de François Rabelais. Expert en viandes et victuailles bien trempées. Et en « mots de gueule et de sinoples » qu'elle affectionne particulièrement !
De Clotilde, la cadette, elle ne se souvient pas. Elle ne l'a pas connue. À peine vue en photos. Mais elle a connu ses trois filles, les cousines de son père. D'elles trois, elle pourra parler un jour. Il y a tant à dire sur chacune d'elles. Elles font partie de son enfance, chacune à sa manière.
Et Angèle? Tout le contraire de son aînée. Fine, discrète, jolie, fort courtisée, elle avait, comme Julie, le sens de la répartie. Elle ne s’en laissait pas conter. Mais son langage était châtié. Une maîtresse femme, habituée à mener son monde, rondement. Un monde exclusivement féminin. Par la force des circonstances. Les hommes avaient été décimés par les guerres. Celle de 1870 d’abord, puis celle, terrible, de 14/18. La Grande Guerre. Bien peu d’entre eux étaient revenus de l’enfer des tranchées de la Somme ou de la Meuse. Des plaines glaciales du Nord de la France, où comme tant d’autres, les Corses avaient misérablement pataugé. Puis péri sous la mitraille.
Parfois, au cours de ses promenades dominicales dans la région picarde (qu’elle a fini par apprivoiser et par faire sienne), elle visite les vieux cimetières des villages. Elle erre au hasard parmi les tombes vétustes. Il lui est même arrivé, certains jours, de trouver dans un médaillon rouillé par le temps, la photo et le nom d’un de ces soldats corses miraculeusement identifiés dans la glaise boueuse et déchiquetée. Elle en a été émue jusqu’aux larmes et elle s’est juré à elle-même de rendre leurs hommes aux fiancées abandonnées.
Un autre jour, alors qu’elle grimpait à travers le maquis pour aller voir de plus près un tombeau visible de la plage, quelle n’avait pas été sa surprise de découvrir, à côté d’un médaillon de femme corse, visage ceint du foulard de deuil, celui d’un jeune soldat que la guerre avait emporté. Là-bas, dans les terres froides du Nord. Et ramené sur sa terre natale. Mort. Quelle histoire avait été la leur ? Combien de temps s'étaient-ils aimés? Combien les avait séparés? Leurs photos jaunies, sises l’une à côté de l’autre, avaient jeté l’émoi dans sa poitrine. Elle avait enfin réussi à faire le lien entre un passé définitivement enfoui et un présent dont les clés innombrables lui échappaient encore. Elle avait enfin réussi à renouer le fil distendu entre sa région d’exil et sa terre d’origine. Quelque chose s’était insinué en elle. Qui l’avait bouleversée puis pacifiée. Et intriguée.
Angèle était de ces femmes-là. Le jeune instituteur dont elle s'était éprise, avait dû partir un matin de ciel clair, et s'embarquer pour le continent. Rejoindre tout là-haut les plaines glacées du Nord. Pour combien de temps ? Nul ne le savait. Avant de partir, il avait demandé la main d’Angèle. En secret. En secret, Angèle attendait son retour. Elle l’attendait. En vain. Sept longues années s’écoulèrent, la laissant sans nouvelles. Était-il mort ? Avait-il disparu ? Angèle n’en sut rien, ni personne autour d’elle. Elle ne pouvait rester ainsi à la maison, sans avenir, sans famille, sans foyer. Il fut décidé « par les femmes » de la marier à son cousin germain. Beaucoup plus âgé qu’elle. Ange-Marie. Qu’elle n’avait jamais vu. Un étranger pour Angèle. Mais un bon parti… et un navigateur. Un homme sérieux. Le mariage entre les deux cousins du même nom fut conclu. C’est de cette union contrariée et « indésirée » qu’est né Jean-Rachel, son père à elle, la petite. À la naissance de l’enfant, les femmes avaient choisi pour lui le prénom féminin de Rachel (par quel hasard ce souvenir littéraire avait-il fait souche dans leurs esprits ?). L’employé de mairie avait eu beau protester. Il n’avait pu les convaincre. De retour au village, le père avait imposé un prénom de garçon. Il restait un peu de place sur le registre d’état-civil. À peine la place d’adjoindre à ce prénom de fille un prénom masculin de peu de lettres. Le père imposa le prénom de Jean. Ainsi son père, prénommé Rachel par les femmes, fut-il baptisé Jean-Rachel.
L’enfant n’eut pas le temps de connaître son père navigateur. Puisque « Le Vidauban », sur lequel celui-ci naviguait, avait sauté sur une mine en Méditerranée. Sans laisser la moindre trace. Le petit enfant était orphelin. Il n’avait pas deux ans. Angèle, la jeune veuve au teint clair, restait seule. Mère d’un tout petit garçon, aux longs cheveux de fille, noués d’un énorme ruban. L’enfant grandit entouré de femmes qui le choyaient.
Jean-Rachel était âgé de trois ans peut-être lorsque reparut celui qu’Angèle aimait depuis toujours. Cet amour qui frémissait dans le beau regard bleu d’Angèle. Angèle et P. se retrouvèrent. Un peu plus âgés, un peu mûris, un peu abîmés, l’un comme l’autre, par les aléas de la vie, qui les avaient si durablement et si durement séparés. Toujours épris l’un de l’autre, ils durent attendre encore. Attendre pour se marier, que soit passé le temps du veuvage. Ce qu’ils firent, selon les règles en vigueur sur l’île à cette époque. Angèle quitta Canari pour Nonza. Le village où son époux exerçait son métier d’instituteur. Et, pour faire « bon poids bonne mesure », la famille de P. imposa au jeune couple de prendre en charge le plus jeune des frères de l’époux. Ainsi, après avoir vécu dans un monde de femmes, Angèle se trouva-t-elle à la tête d’un monde d’hommes à gouverner. Ce qu’elle fit sans sourciller. C’est dans ce contexte qu’Augustin, son second fils, fit son apparition. Les deux fils d’Angèle s’aimaient avec passion. Leurs parents ne faisaient aucune différence entre les deux garçons. Mais elle, la fille de Jean-Rachel, sait que son père a souffert en silence. Souffert d’avoir été affublé d’un prénom de fille. Souffert de n’être malgré tout qu’un fils adoptif. Souffert de n’avoir jamais connu les regards tendres que le père, l’autre père, portait à Augustin, son unique « vrai » fils. Souffert de n’avoir pu partager avec son propre père, ce disparu, cet inconnu, une même complicité filiale. Souffert du silence dont sa mère entourait sa naissance et son premier mariage. Souffert des non-dits pesants qui entravèrent sa vie. Et la contaminèrent.
De tout cela, le carnet aux pages jaunies ne dit rien. Parfois, ici et là, son père mentionne « les disputes à la maison ». À son sujet ? Sans doute. Il évoque sa vie de « pion » à Tarascon. Ses difficultés pour payer ses études. Ses allers-retours entre l’île et le continent. Ses sorties théâtrales, ses rencontres, ses flirts sans lendemains. Ses lectures surtout. Ses enthousiasmes littéraires. Quelques solides amitiés.
Et puis, un jour d’avril 1956, l’annonce de l’arrivée à Marseille « de maman et de papa ». Quelques pages, rédigées à la hâte. Sans commentaire superflus.
« Maman très malade. Douleurs atroces dans les reins, la colonne vertébrale. Extrême pâleur. Ne tient pas sur ses jambes. Ne mange pas. »
« Le 26 mai : départ pour Nancy de papa, de maman, d’Augustin. »
« Mardi 24 juillet : mauvaises nouvelles de maman. Mon départ pour Nancy. Le pauvre visage de maman, implorant, pathétique. J’apprends la mort d’Huguette Salvaresi d’un cancer du sein ».
« Vendredi 27 : Émotion. Visite à la Colline inspirée. Mis un cierge. »
Puis sur une page à part : « Lundi 19 novembre 1956 : Mort de maman. Entourée d’œillets piqués sur le drap. La souffrance avait quitté son visage devenu serein, fin, distingué. Avec un sourire bon, une pointe légère d’ironie. Dans une immobilité glaciale, son beau visage était plein de douceur et de bonté. Les crispations creusées cruellement par la souffrance et par l’angoisse s’étaient effacées. Il n’y avait pas la moindre expression de blâme ou de révolte.Dans les derniers mois, elle n’avait suscité que sympathie, amitié, affection. Pour nous, elle n’avait été que tendresse et amour. »
« Mercredi 21 novembre. Papa exténué trébuche. Départ pour la Corse, son dernier voyage. Une époque de ma vie s’est achevée brusquement. Une page est tournée, sans avoir été terminée. Car elle attendait de moi, encore, des joies que je n’avais pas su, ou pu lui donner. Des égards que j’avais oublié d’avoir pour elle, des caresses qu’une sorte de pudeur inhibait. Il lui fallait tant et si peu.
L’immobilité absolue, définitive, de marbre, chez un être de vif-argent. Idée, affreuse, à accepter. Le temps passera. Les souvenirs surgiront comme des fleurs. Le passé émergera parfois comme les rayons de lumière dans le feuillage obscur que le vent meut. Ma mère restera vivante en moi. Et à la place de l’idée de sa mort, il restera un vide, une page blanche. Peut-être parce que je ne l’ai pas vu mourir. Voir mourir quelqu’un que l’on aime et ne pouvoir rien faire est atroce. On se sent coupable. Je ne m’étais pas attendu à la voir si belle sur son lit de mort. Au milieu des fleurs, à demi soulevée sur ses coussins, les doigts croisés. Je voudrais tant que l’image de son beau visage reste gravée dans mon esprit. Sa chevelure châtain où pas un fil d’argent ne s’était glissé.
Je vais fermer ce petit carnet de notes. Je ferme aussi une page de ma vie. Une dalle est posée sur ma jeunesse. Quels que soient les plaisirs et les joies qui pourront s’offrir à moi, ils auront une saveur amère, un goût de cendre, quelque chose de mutilé.
J’ai baisé son front glacé, ses joues, caressé ses mains et son bras. Odette m’a coupé une mèche de ses cheveux châtain foncé. Désespoir d’Augustin. Ricanements fous. Papa : cris et gémissements inarticulés. Il s’affaissait de désespoir. Son visage ravagé était creusé de ravines où coulaient ses larmes.
Absoute dans la chapelle du lycée Poincaré.
Noël triste et beau, avec les du C., les C. Schubert, Mozart. Messe de minuit chez les dominicains. Pleurs intérieurs.
1957 : À la page anniversaire et fêtes à souhaiter, j’ai inscrit : il y a plus d’un mois que ma mère est morte. L’an dernier, j’avais écrit sur cette page, en tête de liste, le nom de ma mère. Cette année, il n’y aura pas de liste. Il n’y aura qu’un nom dans un cœur déchiré. »
Elle se souvient de ce jour lointain de novembre. Comme tous les jours, elle rentre de l’école en chantant et en dansant à cloche-pied. Elle lance son cartable à la volée, à travers le couloir, pour le faire glisser sur les tommettes cirées. Ce jour-là, une atmosphère inhabituelle enserre la maison. Un silence particulier lui fait comprendre que mieux vaut poser sagement son cartable dans la chambre. Elle entre sur la pointe des pieds. Il fait sombre. Le champ de bataille de la véranda a été déserté par le jeune empereur Napoléon Bonaparte. Son frère cadet, expert en balistique impériale. Les grognards sont alignés immobiles, attendant des ordres qui ne viendront pas. Le Rhinocéros de Ionesco a rejoint, sur la pointe des ongles, des lieux plus adaptés à ses métamorphoses. Béranger se tait. Daisy aussi. Que se passe-t-il donc ? Rien ne vibre comme d’habitude. Sa mère est silencieuse. Son père absent. Sa grand-mère Angèle vient de mourir. C’est cela que sa mère lui dit. Elle, l’enfant de neuf ans, n’avait pas imaginé qu’Angèle pourrait lui être ainsi définitivement enlevée. Elle ne comprend pas. Elle veut rejoindre sa grand-mère. Elle veut la voir. Elle ne la verra pas. Elle ne la verra plus. Plus jamais. Elle ne sait plus si elle a pleuré ou non. Si elle a vraiment compris ce jour-là ce que signifiait mourir.
Quelques jours plus tard, son père est de retour. Il s’installe au piano et joue pendant des heures. Il joue son air préféré, le chant des « wapitis ». Un chant indien qui la faisait rêver. Et pleurer, aussi, sans qu’elle sache pourquoi. Ce jour-là, des larmes roulent sur les joues de son père, trébuchent sur les touches. Glissent et ruissellent au même rythme que les notes. Il pleure. Pour la première fois de sa vie, elle le voit qui pleure. Il ne voit pas qu’elle pleure aussi. Elle ne sait si c'est à cause des « wapitis » ou des lunettes brouillées de pluie de son père. Il ne s’aperçoit pas de sa présence. Il est perdu dans les étoiles. Elle comprend alors tout le chagrin qui le noie. Tout cet amour qui déborde dans le silence et monte vers Angèle. À travers les notes vibrantes du piano.
Marseille. Novembre 1978. Mort de son père. Vingt-deux ans plus tard.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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Utê Mûrûnû
"Ces voix de la terre, enseignait donc ma grand-mère Utê Mûrûnû, n'étaient autres que celles de la mère, celle de la femme. Et elles s'adressaient, en premier lieu, à nous les femmes qui, mieux que personne, pouvions les comprendre. Porteuses de semences, nous étions lardées d'interdits, marquées de tabous comme autant de pierres pour obstruer la vie. Ornières de plaisir, nous devenions des Eva mordues par le serpent inventé par les prêtres de la nouvelle religion. Adi, perles noires du mariage coutumier, nous étions échangées comme autant de poteries scellant une alliance entre deux guerres. Voies et pistes interclaniques, nous survivions tant bien que mal à nos enfances et à nos pubertés trop souvent violées par des vieillards en état de lubricité."
Déwé Gorodé, Utê Mûrûnû - petite fleur de cocotier, Nouméa, editions Grains de sable, 1994.
Déwé Gorodé, belle représentante de la littérature contemporaine canaque, née en 1949 à Ponérihouen au sud du Caillou et professeur de langue française.
Rédigé par : Marielle | 25 février 2005 à 17:26