Image, G.AdC
ISULA, INSULA
« Sans autre savoir étymologique que mon désir du sens des mots que j’aime, et rêvant sur leur charge de secret comme s’y prendrait l’amant, contemplant en l’épelant la forme de l’aimée, jusqu’à ce qu’elle révèle la nature singulière de l’âme qu’elle tient close et celée, je lis dans l’insula du latin comme dans l’isola de l’italien [isula en corse], la racine de solitude qui a disparu de l’île du français. Et je tiens absolument à lire dans solitude, la conjonction, à l’infini, du soleil et de la terre, selon toute l’ambivalence du radical sol, le soleil, mais aussi le sol sur lequel nous marchons et que nous cultivons- radical qui est le même que solus, le seul, esseulé, solitaire, isolé, sola, au féminin, qui appelle, même s’il n’existe pas, pour dire l’île, le mot in-sola, l’intériorité ou territoire intérieur de celle qui est seule, en sorte que la voie est ouverte pour que l’île devienne, au féminin, la métaphore de la solitude. Je dirai que l’île figure la solitude même de la féminité -la solitude, chez l’homme, de l’anima, qui est sa part d’être-femme. Et je n’oublie pas, non plus, le neutre solum, celui de notre socle terrestre, de notre assise tellurique, mais aussi de la fécondité naturelle -et l’on parle alors d’un sol pauvre, d’un sol ingrat, ou d’un sol riche, gras et fertile. Enfin ce solum de la solidité, me ramène en mémoire la conjugaison du verbe soleo, solere, qui signifie avoir l’habitude de, ce qui fait que solitum désigne ce qui est habituel. Et si je rapproche cet adjectif-participe de solitudo, solitude mais aussi délaissement, abandon, privation j’entends que cette terminologie négative et douloureuse évoque réellement, en son fond étymologique, le lot commun de l’humanité : ce qui est habituel, c’est d’être en état de manque et d’être abandonné -comme si l’humain n’était humain qu’en vertu de l’inhumaine déréliction qui préside à son destin, d’avoir été rejeté et par le Soleil-Dieu (Sol) et par la Terre-Mère (Solum) en sorte que la solitude (solus) désormais n’a d’âme, au féminin, qu’insulaire (insula), écartée de tout, tranchée au vif de ses racines, expulsée de la béatitude de l’inconscience prénatale. »
Claude Louis-Combet, D’île et de mémoire, José Corti, 2004, pp. 7-10.
L’île ensemble ________________
Ensemble maintenant ils parcourent la ville …au détour d’une ruelle il pense à son île perdue dans l'immensité, entre le ciel et l’eau …au loin derrière ses épaules, elle, scrute l’infini de la mer et cristallise ses rêves... comme en une évasion, …une chimère… une folie… La brise légère emporte vers eux son souffle féerique… c'est l'appel du large, une fugue éperdue… un désir d'abandon… la récusation du quotidien grisâtre...
C’est certain maintenant, l'île a perdu son isolement… Leur intimité désormais leur fait oublier jusqu'à son nom… elle se farde de naïve candeur… elle se grime pour une fête sublime à venir …Lui cependant craint qu'elle ne se venge… il sait que l ‘utopie de ce monde claquemuré est apocryphe…. Il sait qu’il s’est brûlé en s’autoproclamant roi-fondateur d’un lieu où les habitants ont creusé un isthme, séparant leur terre du continent… il s ‘est laissé emporter… tout endroit peut être le centre du monde…. L’île, son île... n’est presque rien en fait.. c'est peut-être pour cela qu’il la médite centre du monde fait de grands vides et d'ouvertures aussi … de vent et de lumière…d'horizons violets dans lesquels le soir en montant lentement comme une marée, engloutit les contours de sa raison… ils s’égarent … Mais il sait que pour elle il doit écrire à l’infini et en encre de terre …sur des diagonales entre le ciel et la mer…. en posant cette lumière bleue sur des obliques pour dessiner des ombres à l’horizontale dans la transparence des verts … du même vert que ses yeux si verts …
Captif. comme un fugitif harmonieux il décide d’épouser le ralenti du lierre à l’assaut des pierres à l’assaut de l’éternité…. …cette fenêtre ardente…celle qu’elle lui a entrouverte est sa propriété probatoire…lui, l’homme de l’instabilité unilatérale qui à chaque effondrement de preuves attend ses réponses…elle, qui par des salves d’avenir sait qu’il agit en primitif … incapable qu ‘il est de prévoir en stratège…. L’acquiescement éclaire son visage… le refus lui donne la beauté… les cendres du froid sont dans le feu qui chante le consentement… Ensemble maintenant ils se savent voués à des débuts de vérités.
Extrait du - Journal d’un piètre séducteur - , auteur inconnu ….
Amicizia
Guidu _________________
Rédigé par : Guidu | 23 mars 2005 à 00:16
Iles
"Iles
Iles
Iles où l'on ne prendra jamais terre
Iles où l'on ne descendra jamais
Iles couvertes de végétations
Iles tapies comme des jaguars
Iles muettes
Iles immobiles
Iles inoubliables et sans nom
Je lance mes chaussures par-dessus bord car je voudrais bien aller jusqu'à vous"
Blaise Cendrars, Feuilles de route, [1924], Poésie/Gallimard, 1990.
Pour entendre Blaise Cendrars dire à voix haute ces vers, cliquer ICI (site Vive voix, anthologie sonore de poésie française).
Rédigé par : Yves | 22 juillet 2005 à 13:51
Quand l'étymologie devient poésie...
Je mets un lien vers cette page magnifique sur la farandole des solitudes si, bien sûr, tu me le permets Angèle.
C'est sur ton île que nous nous retrouvons tous aujourd'hui. A qui donneras-tu la main ou qui prendra la tienne ? Sourire
Rédigé par : traces | 02 juin 2008 à 15:54