5 février 1937/Mort de Lou Andreas-Salomé
Le 5 février 1937, Lou Andreas-Salomé meurt à Göttingen.
Avec Rainer [Maria Rilke] :
« Si je fus ta femme pendant des années, c'est parce que tu fus pour moi la première réalité où le corps et l’homme sont indiscernables, fait incontestable de vie même […]. Ainsi nous étions frère et sœur - mais comme dans un passé lointain, avant que l'inceste devînt sacrilège. »
Lou Andreas-Salomé, Ma Vie, Presses Universitaires de France, Collection Quadrige, 1977; rééd. 2001, page 140
« Quand j’y pense, je voudrais continuer à t’en parler et à m’en parler, toute la vie, comme si c’était seulement ainsi que l’on comprenait pour la première fois ce qu’est la poésie - non pas seulement sur le plan du métier, mais sur celui du corps, et c’est là justement le « miracle » de la vie. Ce qui s’élevait en toi, sans que tu l’aies voulu, sous forme de prière, devait rester pour qui était à tes côtés une révélation inoubliable jusqu’à la fin de ses jours. Cela englobait tout ce que tu touchais ; ce qui, à ton contact, révélait l’œuvre du divin restait matière ; et cet oubli de soi enfantin qui accompagnait cette expérience si pleine de foi garantissait à toute journée, à toute heure la plus grande perfection. Nos journées étaient remplies à l’extrême : d’efforts constants pour satisfaire à toutes les impressions; ce fut en d’autres mots une période de vacances aux fêtes indicibles […]
[…] Mais peu à peu se produisit un changement qui mit fin à nos rires innocents. Nous le prîmes d’abord pour un trouble de nature organique - mais il apparut de plus en plus nettement qu’il était lié à ce conflit entre la chose vécue comme hymne, et l’expression, la mise en forme de l’hymne. »
Lou Andreas-Salomé, Ma Vie, Presses Universitaires de France, Collection Quadrige, 1977; rééd. 2001, page 145-146
« La pluie de ses doigts frais
s’empare de la fenêtre et nous l’aveugle ;
nous sommes assis dans les fauteuils profonds,
nous écoutons la douce heure crépusculaire
ruisseler de meules lasses.
Puis Lou parle. Et nos âmes
s’inclinent. Même le bouquet
à la fenêtre salue de ses hautes tiges,
et nous nous sentons tous chez nous
dans cette douce maison blanche. »
Rainer Maria Rilke, Pour te fêter, Œuvres poétiques et théâtrales, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1997, page 638.
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En lisant ces si belles lignes de la très belle et si troublante Lou, la compagne de Nietzsche, Rilke, Freud,… je me dis que c’etait AUSSI une sacrée intellectuelle… émotion ; réflexion - à tous les sens du terme –
Voici donc quelques extraits de
Le narcissisme comme double direction (1re partie) ______________
Par Lou Andreas-Salomé
[…] La notion freudienne de narcissisme n’a révélé toute sa signification que peu à peu […] « Le terme de narcissisme veut souligner que l'égoïsme est aussi un problème libidinal ou, pour le formuler autrement, le narcissisme peut être considéré comme le complément libidinal de l'égoïsme » (Freud, Métapsychologie). […] Le double phénomène narcissique exprimerait la référence de la libido à nous-mêmes ainsi que notre propre enracinement dans l'état originaire auquel nous restons incorporés, tout en nous en détachant, comme la plante reste attachée à la terre, bien qu'elle s'en éloigne dans sa croissance vers la lumière. […] Dans chaque coup ou chaque cri à l'adresse de personnes aimées, à chaque acte vengeur, s'était libérée en même temps la dernière volupté, peut-être en jouissant à nouveau douloureusement, dans les larmes de la mère, de l'identité perdue. […] En effet, son visage (le narcissisme) n'exprime-t-il pas aussi, outre le ravissement, la tristesse ? Comment ces deux éléments peuvent-ils s'unir : le bonheur et la tristesse, ce qui s'échappe de soi-même, ce qui se referme sur soi-même, le don de soi et l'affirmation de soi? Seul le poète peut vraiment s'en faire une image. […]
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N’est-ce pas cela que nous faisons ici même Chez Angèle (c’ est drôle, c’est le nom d’un café que je fréquente en mon pays... (pays intérieur s’entend) !
Amicizia a tutti
Guidu
Rédigé par: Guidu | le 06 février 2005 à 16:59