Il y a cinquante-cinq ans, le 15 février 1961, Balthasar Klossowski de Rola (Balthus) était nommé directeur de la Villa Médicis (Académie de France à Rome), pour une période de six ans, en remplacement de Jacques Ibert.
Rien de plus explicitement suggestif que les scènes d’intérieur de Balthus. Rien de moins érotiquement éloquent que ces pucelles aux jupes troussées ! Abandonnées à leurs rêveries envoûtantes ! Que ces femmes nubiles aux regards perdus et aux seins négligemment dénudés ! Que ces duos d’enfants impubères livrés à leurs jeux pervers ! Balthazar Klossowski de Rola ! Voilà bien à mes yeux l’un des peintres les plus troublants de la peinture contemporaine ! Encore bien souvent voué aux gémonies, tout comme le sont d’ailleurs les ouvrages de son frère Pierre Klossowski, dont Roberte ce soir. Même si la rétrospective (fort riche) du Palazzo Grassi consacrée à Balthus était paradoxalement « bon teint » (mais muséographiquement plus exaltante que celle, étriquée, qui se tint, sept ans plus tard, à la Fondation Pierre Gianadda de Martigny). Je me souviens, lors de la visite de l’exposition vénitienne, avoir été viscéralement bouleversée par une incontrôlable émotion ! Mais éclairée en moi-même et sur moi-même, comme par le faisceau imprévu d’une lumière fulgurante, jaillissant dans les méandres obscurs de mes labyrinthes intérieurs. Particulièrement devant La Leçon de guitare ! Une révélation sur le moment aveuglante comme toutes les transgressions mises en pleine lumière par « la fonction exorcisante du simulacre » (plus fascinante encore – dans l’acception de Quignard – que les fresques de la Villa des Mystères de Pompéi). Une scène de gynécée qui traite (sourdement) des rituels initiatiques qui, dans la tradition d’Éleusis, accompagnent les jeux de totémisation de l’enfance. Loin, vraiment très loin, de l’ellipse, on est là en plein coeur du fantasme et des hiérogamies secrètes. Toutes choses qui me tiennent particulièrement à cœur, et comme en suspens au-dessus de l’abîme. Angèle Paoli D.R. Texte angèlepaoli |
BALTHUS Balthus par Shinoyama Kishin Source ■ Voir aussi ▼ → le site officiel de la Fondation Balthus → (sur Terres de femmes) 6 septembre 1935 | Lettre de Balthus à Antoinette de Watteville → (sur Terres de femmes) un article sur Le Rêve de Balthus de Nathalie Rheims → (sur Business Network) Balthus lessons - five controversial works by the French artist |
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Communauté d'esprit.
Lisant votre message sur Balthus, je cherchais en même temps ce tableau précis, qui reste l'un des plus beaux avec celui de l'enfant dans son fauteuil, plongeant son regard dans le nôtre. La beauté, la délicatesse, mais aussi cet aspect spécifiquement féminin... gynécée, oui c'est le mot, cette communauté où les femmes et les jeunes femmes sont entièrement offertes à la sensualité de leur corps. Juste le plaisir des corps enfin rendus à leurs sens. Cette sensualité que de toutes parts on force, on cache, on méprise, on dénie, retrouve dans l'intimité de la communauté des femmes, sa splendeur, sa puissance, son irrépressible douceur.
Rédigé par : Hecate | 15 février 2005 à 09:24
Comment Balthus, qui était un grand ami de la famille Agnelli, aurait-il vécu la vente du palazzo Grassi à François Pinault ? Cette exposition Balthus aura été en quelque sorte le chant du cygne du mécénat d'art des Agnelli. Un changement de cap après la mort du patriarche. En tout cas, c'est fait, une page est tournée. Et le palais, entièrement rénové par l'architecte japonais Tadao Andoa, a rouvert ses portes au public avant-hier pour l'exposition à l'intitulé très "frenchy" : Where Are We Going ? Comme le soulignait le quotidien Le Monde vendredi dernier, "l'inauguration apparaît comme une consécration pour l'homme d'affaires breton aux origines modestes qui a invité à sa fête, la veille de l'inauguration, un parterre de stars et le gotha international de la politique et des affaires." Tiens, cela rappelle le temps (ce n'est pas si loin que cela, dans la décennie 90) où notre fringant homme d'affaires invitait pour "2 millions de francs les 10 chansons" le fou chantant. Non pas dans le cadre d'une organisation aussi "humanitaire" (la "déca-danse" de la famille Agnelli, aurait dit Gainsbarre) que celle du Palazzo Grassi. Non, plus simplement pour l'anniversaire de son épouse. Cela devait faire sûrement partie du budget "petits fours". Ah! j'oubliais, finalement, notre ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon ne dirigera pas la chaîne francophone TV5Monde. Jean-Jacques Aillagon dirigera le Palazzo Grassi. Mon petit doigt me dit que les émoluments ne doivent pas être les mêmes. Il me semble qu'il y a eu un débat de cette nature pour la chaîne CFII.
Palazzo Grassi
Campo San Samuele
3231 VENEZIA.
Tél. : 00-39(0)41-523-16-80
De 10 heures à 19 heures.
Rédigé par : Yves | 02 mai 2006 à 07:01