Le
20 janvier 1900 meurt à Brantwood (Cumberland)
John Ruskin. J’ai à l'esprit
La Bible d’Amiens, mais aussi
Les Pierres de Venise, dont je cite ci-dessous un passage consacré à Torcello :
TORCELLO
« Si vous voulez vous bien rendre compte de l'esprit dans lequel commença la domination de Venise et d'où lui vint la force d'accomplir ses conquêtes, ne cherchez pas ce que pouvaient valoir ses arsenaux ; n'évaluez pas le nombre de ses armées ; ne considérez pas le faste de ses palais ; ne cherchez pas à pénétrer le secret de ses Conseils ; mais montez sur le rebord rigide qui entoure l'autel de Torcello, et là, contemplant comme le fit jadis le pilote, la structure de marbre du beau temple-vaisseau, repeuplez son pont jaspé des ombres de ses marins défunts, et surtout, tâchez de ressentir l'ardeur qui brûlait leurs coeurs, lorsque, pour la première fois, les piliers édifiés dans le sable et le toit leur cachant un ciel encore rougi par l'incendie de leurs foyers, ils firent retentir, à l'abri de ces murailles et accompagné par le murmure des vagues et le tournoiement d'ailes des mouettes, l'hymne-cantique chanté par eux à pleine voix.
La mer est à Lui et Il l'a créée
Et Ses mains ont préparé la terre ferme. »
John Ruskin, Les Pierres de Venise, Paris, Hermann, 1983, page 52. Traduction de Mathilde Crémieux.
Venise dans le rétroviseur
« Venise, que Proust appelait « haut lieu de la religion de la Beauté ». Huit ans plus tôt, Proust […] avait vu Venise à travers Ruskin, mais déjà il se rendait compte de ce que cette religion de la Beauté a d’exigeant. « La Beauté ne fut pas conçue par Ruskin comme un objet de jouissance, mais comme une réalité plus importante que la vie… » Si Proust s’en était tenu à Jean Santeuil il n’eût été qu’un hédoniste ; mais il a souffert, il a dépassé la Beauté, il a donné Swann. C’est pourquoi notre sévère époque lui pardonne ses duchesses. Blanc-bec, je n’imaginais pas qu’on eût des devoirs envers la Beauté ; elle ne m’était qu’un biais pour échapper à la morale ; et Ruskin, un effroyable raseur, comme dit Bloch. »
Paul Morand, Venises [1971], Gallimard, Collection L’Imaginaire, 1983, page 33.
Rédigé par : Yves | 20 janvier 2005 à 18:11