Les textes et dialogues du roman Sicilia ! d'Elio Vittorini découpés, tapés à la machine et mis en page par Danièle Huillet, et surlignés par Jean-Marie Straub.
(Source : brdf.net)
CONVERSATION EN SICILE : UN OUVRAGE « IMMORAL ET ANTINATIONAL »
UNE HISTOIRE SIMPLE
Après quinze ans de non-espérance et d’exil à Milan, un homme (Silvestro) reçoit une lettre du père (qui vient de quitter le domicile conjugal). Poussé par le son perçant de « son fifre intérieur », il décide de retourner dans son île natale (la Sicile) pour y retrouver ses figuiers de barbarie et son soufre. Et pour y relire son passé : rencontres avec le petit monde des travailleurs de Sicile, retrouvailles avec la Signora Concezione Ferrauto, la « mamma », ses harengs et ses fèves aux cardons (avec un brin de romarin !), dialogue avec l’enfance.
LE LIVRE DE CHEVET DES CINÉASTES NÉO-RÉALISTES
Un livre essentiel : par sa sublime sobriété et par celle de son écriture, dont le lecteur retrouve certains échos dans l’écriture de Hemingway (qui fut un des amis de Vittorini). Comme nombre de mes ami(e)s sicilien(ne)s, je tiens cet ouvrage du Syracusain Vittorini pour un ouvrage archétypal. Et pas seulement en raison de mes origines insulaires.
Un ouvrage unique par la place qu’il occupe dans l’historiographie de la littérature italienne : les romans de Camilleri et sa Vigàta imaginaire en sont profondément marqués, comme l’a été l’œuvre de Sciascia et de Calvino dont Vittorini a été l’un des mentors au lendemain de la guerre.
Cet ouvrage est aussi unique par la place qu’il occupe dans l’histoire politique de l’Italie. Ecrit entre 1937 et 1938, Conversazione in Sicilia a paru en feuilleton dans la revue florentine Letteratura entre avril 1938 et avril 1939. Il a été édité sous le titre Nome e lagrime en 1941 chez Parenti à Florence, puis, la même année sous son titre original premier chez Bompiani à Milan. Deux rééditions ont suivi en raison de l’immense succès de l’ouvrage. La censure fasciste de l’époque (peu éclairée) n’aurait pas réagi si un article paru en août 1942 dans l’Osservatore Romano (qui, comme on le sait, est l’organe de propagande du Saint-Siège) n’avait dénoncé l’ouvrage pour son caractère "immoral et antinational". Cet ouvrage dès lors devint un livre clandestin à la Vercors.
Unique encore par la place que cet ouvrage occupe dans l’histoire du cinéma italien : livre de chevet de toute une génération de cinéastes néoréalistes, de Visconti à Rossellini en passant par Vittorio De Sica. Me comprendront de manière fusionnelle tous ceux qui se sont un jour arrêté sur les rives noires et tourmentées d’Aci Trezza (à proximité de l’Etna), le village de pêcheurs où Ulysse fit la « rencontre-choc » du Cyclope. Tous ceux aussi qui ont certes lu I Malavoglia de Giovanni Verga, mais surtout vu La terra trema (La terre tremble) de Visconti, où ce film a été tourné. Tous ceux encore qui ont musardé au soleil à Grammichele ou à Caltagirone.
Unique encore dans l’histoire du cinéma grâce aussi à l’admirable film Sicilia ! (1998) de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, un couple de « résistants » à l’idéologie consumériste, exilés volontaires dans la banlieue romaine, comme le fut autrefois le grand Pasolini. Un couple de grands mélomanes aussi (rappelons-nous la Chronique d’Anna Magdalena Bach, et, dans le film Sicilia !, le final molto adagio ( con intimissimo sentimento) du quatuor op. 132 de Beethoven ou encore la pastourelle « Sicilia Sicilia canta la pasturedda, joca la fontanedda, l’aria e u suli inchinu … tu si la patria mia »).
Je ne puis donc qu’inviter très chaleureusement à lire ou relire Conversation en Sicile, soit dans la traduction qu’en a faite Michel Arnaud pour Gallimard (1948, collection du Monde entier ; réédition Livre de Poche n° 1984 en 1969 ; réédition dans la collection l’Imaginaire en 1990), soit dans la traduction, plus difficilement trouvable, de Pierre Gilson de Rouvreux parue aux éditions de la Toison d’or, Paris-Bruxelles, en 1943. Ou dans le texte original, actuellement chez Rizzoli.
Je conseille aussi la lecture des dialogues du film Sicilia ! parus chez un éditeur toulousain (les éditions Ombres, 50 rue Gambetta ; ISBN : 2-84142-112-0) avec le concours du Centre régional des lettres de Midi-Pyrénées. « Arrota ! Arrota ! Nulla da arrotare » « Aiguiseur ! aiguiseur ! Rien à aiguiser ? » Bouleversante cinquième séquence en douze plans tournée sous la Chiesa Madre du village de Grammichele, ancien fief des Lampedusa.
En profiter à l’occasion pour tenter de revoir le film de Straub-Huillet : Ouvriers, paysans (Operai, contadini, 2001), toujours d’après Vittorini.
Elio Vittorini, Conversation en Sicile, Gallimard, 1948.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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Je découvre avec bonheur ton site, je ne suis pas encore très à l'aise avec l'informatique. Mais cela ne saurait tarder. Nous étions en Sicile l'été dernier. J'en suis revenue éblouie. Depuis j'avale la littérature sicilienne, notamment le très médiatique Le Guépard. MAGNIFIQUE!
jhmitchell
Rédigé par : jhmitchell | 07 février 2005 à 19:00
Merci de tes compliments, ma chère Josiane. Oui, il y a les très grandes fresques de la tradition vériste et post-vériste. Mais n'oublie pas de faire un détour par Dacia Maraini (voir ma note sur La Vie silencieuse de Marianna Ucrìa et le tout récent Retour à Bagheria) et par Andrea Camilleri, je pense tout particulièrement à L'Opéra de Vigàta.
Angèle
Rédigé par : Angèle Paoli | 07 février 2005 à 20:14
Le film Sicilia ! fait partie de la programmation du Festival Reflets du Cinéma italien (11 mars - 25 mars 2008), festival annuel de cinéma d'art et essai organisé par l'Association d'éducation populaire Atmosphères 53 (Mayenne), et réalisé cette année sous le patronage de l'Ambassade d'Italie en France et de l'Institut culturel italien. Sicilia ! sera projeté à Laval les 24 et 25 mars prochain. Pour en savoir plus sur ce festival, cliquer ICI.
Rédigé par : Agenda culturel de TdF | 05 mars 2008 à 00:10
Je suis sur la place du Duomo à Catania, ébloui tant par le soleil que par l'art de Vittorini. Cherchant le sens d'un mot, yeux plissés sur mon telephone ébloui, je tombe sur votre bel article. Merci pour les liens qu'il trace, notamment Dacia Maraini
En vous souhaitant une belle après-midi
Pascal
Rédigé par : Pascal Janovjak | 30 mars 2012 à 11:43