Michel Butor, Vanité,
Conversation dans les Alpes-Maritimes,
Editions Balland, Collection Le Commerce des idées, 1980.
Topique : Les Vanités
Pieter CLAESZ,
(v. 1597, Steinfurt - 1661, Haarlem)
Vanitas, 1630
Huile sur toile, 39,5 x 56 cm
Mauritshuis, The Hague
Source
ET OMNIA VANITAS
Cela commence comme une pièce de théâtre contemporain. Une pièce en un seul acte et trois personnages en scène. À peine quelques didascalies pour planter le décor : une toile à la Claude Lorrain. Un paysage XVIIe s., lieu de rencontre de trois étranges personnages, munis d’un magnétophone. Ce n’est pas là le seul anachronisme. L’universitaire « à la recherche de ses propres sentiers » se nomme Scriptor. Pictor, « mécanicien d’horizons », se charge de « révéler les corps et les âmes ». Quant à Viator, « ex-commis en culture française », il tente « d’élargir son éventaire ».
À peine posés ces curieux éléments de dramaturgie, le jeu commence. Car il s’agit d’un jeu, comme ceux que pratique France Culture entre midi et quatorze heures. Pictor lance un mot au hasard. Le premier qui « tombe sur le tapis », le voilà donc, c’est le mot « mort »! Le seul mot qui roule et rebondit, tout au long du jeu, de réplique en réplique. Avec sa cohorte clinquante d’accessoires.
Dès lors, les répliques s’enchaînent, rapides, brèves, réduites parfois à de simples stichomythies, comme dans une jonglerie macabre où se croisent et se bousculent crânes et objets de vanités divers. Qui se déclinent dans les multiples variantes du genre pictural, en vogue en Europe du Nord dès le XVIe siècle (David Bailly, Harmen et Pieter Steenwyck, Jan de Heem, Peter Potter, Pieter Claesz,…). L’occasion pour les trois dieux « Tor » de dévider à l’infini, sur l’écheveau de leur dialogue, le tressage subtil de la « relation entre la mort et l’œuvre d’art ». Et pour l’auteur, une manière originale de réfléchir et de s’interroger sur l’art d’apprivoiser la mort. Une réflexion philosophique indémodable! Qui n’en relève pas moins de l’humaine « vanité ».
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
EXTRAIT
Viator
« Il y a dans toute œuvre d'art une tentation surmontée du suicide. L'œuvre est là non seulement pour permettre de résister à autrui, mais pour trouver un "modus vivendi " avec soi. »
(p. 50)
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Voici ce que de mon côté, j'ai pu écrire sur ce livre :
Ils ont nom Scriptor, Pictor et Viator. Installés dans un « paysage à la Claude Lorrain », ils devisent.. De quoi ? De la mort, ou plus exactement autour de ce thème qui parcourt l’histoire de la culture depuis des siècles, la Vanité.
Méditant sur l’escamotage de la mort dans nos sociétés (le livre date de 1980 et le phénomène n’a fait que s’amplifier depuis), le dialogue vif, rythmé, alerte, rebondit sans cesse, bifurque, se recentre, comme en une tenace auscultation de cette tache aveugle de notre disparition et de la vanité de toutes choses à l’aune de notre fin inéluctable. Approche philosophique mais aussi exploration des arts, la peinture en particulier avec une sorte de catalogue de tous les objets présents dans les tableaux qu’on appelle « Vanités » : « le crâne, le cadavre, la mise à mort ». Ce crâne que « seuls désormais savent apercevoir les plus méditatifs, les plus aigus par les interstices des plis du rideau »
Une somptueuse méditation en trio pour « apprendre à être déjà de l’autre côté de sa propre mort ».
Note : ce livre semble épuisé mais on le trouve encore assez facilement d’occasion en ligne ou chez certains bouquinistes.
Henri Maccheroni, le protagoniste Pictor est en effet peintre, mais aussi photographe, graveur et poète.
On peut trouver de nombreuses informations sur ce livre sur le site-index d’Henri Desoubeaux.
Rédigé par : Florence Trocmé | 12 janvier 2005 à 19:38