Image, G.AdC
Sur les neuf recueils poétiques qu’a composés la poétesse grecque Sapphô, on ne connaît aujourd’hui que six cents vers. En revanche, jusqu’à la découverte de papyrus à la fin du XIX e siècle, on ne connaissait de Sapphô que des bribes transmises indirectement par un manuscrit de Denys d’Halicarnasse (De la composition littéraire) et le célèbre traité de Longin Sur le sublime. Certes, il y avait eu nombre d’imitateurs, dont Théocrite ou Horace, et c’est grâce à une imitation de Catulle que Sappho a été découverte sous la Renaissance, et notamment son "Hymne à Aphrodite" qui fit probablement le bonheur de Louise Labé.
C’est donc chez Henri Etienne en 1556 (un an après la publication chez Jean de Tournes à Lyon des poèmes de Louise Labé) qu’est pour la première fois publié ce poème (en même temps que des odes d’Anacréon), dans une traduction de Rémi Belleau. Un poème qui va avoir une fortune telle qu’il a sans cesse été "récrit, prolongé, recontextualisé, tiré en tous sens, par des hellénistes", comme le souligne Philippe Brunet dans la postface de cet ouvrage.
Rappelons au passage qu’une quatrième strophe a été par hasard découverte en 1965 dans un fragment de papyrus retrouvé à Florence.
Philippe Brunet s’est employé quant à lui depuis 1986 à rechercher les diverses versions françaises attestées. Il en a retenu cent, qui vont (chronologiquement) de Rémi Belleau à Frédérique Vervliet (Arléa, 1993) en passant par Lamartine, Alexandre Dumas, Renée Vivien, Robert Brasillach et Marguerite Yourcenar. Une idée éditoriale sublime et vertigineuse. Une mise en abyme du poème au travers des siècles. Tel qu’il est et qu’il est admirablement, "ce livre s’adresse aux jeunes filles, aux femmes, aux féministes, aux amateurs de ces trois catégories, aux misogynes, aux amantes, aux amants, aux chercheurs de curiosités, aux professionnels du thème, du champ lexical et de la variante, aux experts en chansonnettes, aux collectionneurs, aux lecteurs de Queneau, aux lectrices, aux historiens de la sexualité, aux hellénistes, aux travestis, aux traducteurs, aux traductrices passées et futures" (Philippe Brunet).
Sapphô, L'égal des dieux, cent versions d'un poème de Sappho, éditions Allia, 2001.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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Pâle comme l’herbe
χλωροτέρα δε ποίας εμμι /pâle comme l’herbe arrachée
« Assis à tes côtés, celui-là qui soupire,
Ecoutant de ta voix le son mélodieux,
Celui-là qui te voit, ô rage ! lui sourire,
Celui-là, je le dis, il est égal aux dieux !
Dès que je t’aperçois, la voix manque à ma lèvre,
Ma langue se dessèche et veut en vain parler ;
Dans mes tempes en feu j’entends battre la fièvre,
Et me sens tout ensemble et transir et brûler.
Plus pâle que la fleur qui se soutient à peine,
Quand le lion brûlant la sécha tout un jour,
Je tremble, je pâlis, je reste sans haleine,
Et meurs, sans expirer, de désir et d’amour ! »
Alexandre Dumas, dans les Etoiles du monde – galerie historique de tous les temps et de tous les pays, Garnier Frères éd., 1858, p. 287-300 ; repris dans l’article « Sappho » de Dumas, paru dans Le Monte-Cristo du 7 janvier 1858, p. 172-182, puis dans son roman La San Felice, 1864-1865. In L’Egal des Dieux. Cent versions d’un poème de Sappho, Editions Allia, 2001, page 76.
Rédigé par : Critias | 11 décembre 2004 à 10:37
Une nouvelle parution est prévue en collection Poésie/Gallimard. Le recueil Odes et fragments, traduction et présentation d'Yves Battistini, édition bilingue, doit sortir en février 2005.
Rédigé par : Florence Trocmé | 12 décembre 2004 à 12:05
Bonsoir,
Le hasard, toujours lui, entremetteur ombré...
Je cherchais où me procurer le recueil de poèmes de Sapho et de fils en blogs, j'ai trouvé votre site.
Je vous crois très occupée, comme beaucoup aujourd'hui (le temps n'est plus ce qu'il était), mais je ne résiste pas à la tentation de vous écrire car j'aime les gens qui aiment la poésie. Je suis corse et j'habite en Corse, sur la terre de mes ancêtres à Zonza ou plus précisement sa plage, près de Porto Vecchio. Avec quelques amis, nous avons créé une association littéraire dans l'extrême sud (rassurez-vous, je ne vais rien vous demander) et je tente, étant moi-même poète, de regrouper des fragments de ce qu'il nous reste d'humanité à travers l'écriture. Je crois que vous en êtes.
En cadeau, voici un de mes derniers poèmes îliens.
VII
On croit que l'île ne parle plus,
qu'elle s'est murée entre ses monts
et que, passagère de l'oubli,
elle attend la débâcle d'un lac
pour que sourdent et tonnent ses tempêtes.
On prête oreille au vent délesté
de ses fiers silences séculaires.
Alors, on entend le triste écho
d'un ruisseau que l'on a dessourcé.
le 25 novembre 2005
extraits de Equinoxes
Jean-François AGOSTINI
Rédigé par : JFAgostini | 02 décembre 2005 à 18:19
Merci Jean-François. Je viens d'écrire - à votre intention - ces mots en souffrance.
« Passagère du vent
l’île emmurée murmure
murmures de l’oubli
murmures d’outre-monts
et d’outre-mer murmures.
À l’assaut des tempêtes
elle offre sa carène
gonfle ses âpres flancs
fait chanter ses voilures
hisse haut le pavois
de ses fières souffrances
et l’écho du torrent
à l’abri des regards
panse ses plaies secrètes
balancées par les pins.
Alors arrimée
à jamais
à sa rive sauvage
surgit la voix
de ceux qui se sont tus. »
Rédigé par : Angèle Paoli | 03 décembre 2005 à 22:47
Merci Angèle pour ces murmures comme autant d'amers.
XIII
L'île est là. On pourrait la toucher,
mais la main, gauche, n'obéit plus,
laissant aux errances du regard
la tâche d'harmoniser l'offrande.
Mû par l'accord occulte de deux
envies opposées on s'en approche ;
on trouble le chromatisme étale
des tableaux successifs pour se fondre
…et nuancer l'appel du néant…
le 27 novembre 2005
Rédigé par : Jean-François Agostini | 04 décembre 2005 à 00:06