PHILIPPINE Ces derniers temps, c’est à Jeanne qu’elle pense le plus souvent. Elle panse ses plaies en pensant à Jeanne. Dont la venue à la vie a déchaîné la fureur du père, François. Qui n’a eu que mépris pour cette épouse qui lui refusait l’enfant mâle qu’il attendait. Un jour, n’y tenant plus, ne pouvant supporter davantage les vexations, Philippine est partie. Sur la route caillouteuse qui la ramenait vers le village d’avant le mariage. Elle n’y était pas retournée depuis qu’Antoine était venue l’y chercher. Elle avait pris sa dernière-née dans les bras, bien décidée à trouver asile chez son frère, le Commandant S. Enveloppée dans ses châles noirs, elle avait marché. Longtemps. De retour des champs, Antoine avait trouvé la maison vide. Le ragoût était prêt dans la péntola, mais il n’y avait personne dans la cuisine pour le lui servir. Il avait sellé son âne et était parti sur la route pour la rejoindre. Elle marchait d’un pas gaillard. Elle avait déjà parcouru une grande partie du chemin qui la séparait de son village natal. Il l’avait rejointe. Silencieusement, il l’avait prise par la main et l’avait ramenée, elle et l’enfant, au logis. Silencieusement, elle avait repris sa vie de femme soumise, contrainte d’élever sans broncher ses quatre filles. Et de supporter, sans mot dire, les réprimandes et les reproches de son époux. Jusqu’au jour où elle a mis au monde un fils. Ce jour-là, les cloches de l’église ont sonné à pleine volée. L’enfant mâle, tant désiré, venait de faire son entrée. Augustinellu. Il rendit à la vie sa mère, pétrie d’angoisse à l’idée de mettre au monde une cinquième fille. Il lui rendit aussi son honneur. L’enfant grandit, choyé par ses sœurs. Jeanne le chérissait, elle aurait pu aussi bien le haïr. Angèle Paoli D.R. Texte angelepaoli |
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