13 décembre ****/Fête de sainte Lucie
« Demain treize décembre, Sainte-Lucie. Je grimpe les marches de l'église avec la même peine que celle qui guide le pas des aveugles vers la statue couronnée de feux, j'avance sans prière sachant que la lumière se lève ailleurs là où fulgure pour moi un langage insurmontable. Je paie cependant mon cierge et tourne autour de l'autel, privée - telle est la leçon - de la flamme allumée à quelques pas par une anonyme main de sacristie.
Souviens-toi de ce soir, sa réalité moins reluisante
l'autel pauvre, les fifèles peu nombreux, la messe déjà finie depuis des heures.
Traverse l'espace et le tourbillon d'herbe des chambres ardentes
imagine la face - lourde comme une tête de bête
dressée au sommet des mains et le fil transparent
qui dans la mort unit sur le marbre les chevilles.
Pour toi, que mon amour a tristement manqué
- avec horreur.
Attends que tombe l'effrayante nuit, que disparaisse
la lumière du crépuscule, et que la terre
tourne sur son axe.
Telle est la vérité de ce soir incertain
sur les buissons d'acacias et sur les maisons
telle est sa mesure - une acre de désert.
Supporte tes pensées dans le noir
qu'elles avancent en foule de mémoire.
Tu peux les mettre en file jusqu'aux sommets de l'effroi
les fixer vacillantes quand la plaine s'obscurcit
en attendre le retour maintenant que le chien se tait
et que l'esprit s'éteint
durant un instant forme sans mal
âme du géranium
tendu sur la balustrade. »
Antonella Anedda, Nocturne (Notti di pace occidentale), Editions Donzelli, Roma, 1999, in Ecritures de femmes, Les Cahiers de poésie-rencontre, n° 49-50, mai 2002, pp. 23-24. Traduction de Marc Porcu.
SAINTE LUCIE
Riche et belle jeune fille de Syracuse, Lucie, convertie au christianisme est trahie par son fiancé qui la dénonce au consul. D’abord condamnée à être menée au lupanar, la jeune fille est préservée dans sa vertu par le refus obstiné des bœufs de l’y conduire. Exacerbée par ce prodige, la haine des ses bourreaux ne connaît plus de limites. Non satisfaits de l’asperger d’huile bouillante, ils lui arrachent les dents et les seins. Elle est alors mise au bûcher dont les flammes l’épargnent. Elle meurt décapitée en 304 sous l’empereur Dioclétien. Selon une autre légende (rapportée par Fernand Ettori dans Anthologie des expressions corses, Rivages, 1984), la sainte Syracusaine se serait elle-même arraché les yeux pour ne point désobéir à son voeu de chasteté et la Sainte Vierge lui aurait alors restitué des yeux encore plus beaux et plus brillants.
Particulièrement vénérée en Corse, dont de nombreux villages portent le nom, Santa Lucia est une sainte réputée pour guérir les maladies des yeux. Nombreuses sont les fontaines qui lui sont consacrées dans l’île. Et les pèlerins profitent du jour de sa fête pour aller puiser l’« acqua di Santa Lucia », aux vertus curatives pour les yeux malades.
Le 13 décembre, jour où tombait le solstice d’hiver selon le calendrier julien (le jour le plus court de l'année), rappelle « la menace des ténèbres et la nécessité de la protection divine pour garantir le don précieux de la lumière ».
Aujourd’hui encore, l’on retrouve dans la langue corse de nombreuses expressions, proverbes ou dictons où les yeux tiennent une place importante : « Ch’è santa Lucia ti mantenga a vista ! » (Que sainte Lucie te garde la vue !) ou « Si santa Lucia li manteni a vista » (Il ira loin si sainte Lucie lui garde la vue). Le continent n’est d’ailleurs pas épargné dans la mémoire collective corse. Ainsi dit-on, à propos d’une personne qui louche : « Ha un ochju chi guarda in Francia ! » (Elle a un œil qui regarde en France !).
Une des plus célèbres représentations picturales du martyre de la sainte est celle du peintre Caravage (Michelangelo Merisi) : le tableau intitulé Seppellimento di santa Lucia (L’Enterrement de sainte Lucie), 1608-1609, anciennement exposé dans l’église Santa Lucia al Sepolcro de Syracuse, a été mis en dépôt à la Galleria regionale di Palazzo Bellomo, dans l’île d’Ortygia.
Angèle Paoli
D.R. Texteangèlepaoli
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