Il y a trente-et-un ans, le
16 février 1990, mourait à New York, des suites du sida,
Keith Haring, né à Reading (Pennsylvanie) le
4 mai 1958.

Source
KEITH HARING DANS LE CLOÎTRE DE BRAMANTE (ROMA)
C’est au cours d’un séjour à Rome que j’ai vraiment « rencontré » cet artiste new-yorkais, dont je n’avais jusqu’alors qu’entraperçu quelques graffiti vagabondant et virevoltant sur affiches et posters. En février 2001, dans le cœur vibrant et chaud de la Ville éternelle, j’ai pu voir une très belle exposition consacrée à Keith Haring. Une rétrospective de l’œuvre du dessinateur, proposée aux Romains du 6 décembre 2000 au 28 février 2001. Dans un espace pour le moins inattendu... et sublime : le cloître de Bramante* (San Pietro in Montorio), à deux pas de la Piazza Navona, et où j'ai pu aussi voir, en 2007, une exposition Annibale Carracci. Un cloître exécuté par l’architecte en 1502. Choc des époques, choc des cultures. Je me suis engouffrée dans cet enclos magique et là, vraiment, j’ai vu s’animer les murs des salles conventuelles. Les personnages de Keith Haring, toujours en mouvement, me donnaient le vertige. Les couleurs déchirantes des rouge vif, des jaunes et verts me sautaient littéralement aux yeux. Alternant, pour mieux renforcer les contrastes, avec les dessins en noir et blanc.

Source
Le talent unique de Keith Haring tient à la fois à l’extrême simplification et épure des silhouettes en même temps qu’à la complexité des lignes qui s’entrecroisent, comme follement prises dans un écheveau labyrinthique. Les personnages bondissent d’un mur à l’autre, s’échappent, pour rejoindre, dans d’autres couleurs aux aplats très crus, des parois qui se répondent en écho électrique. Avec toujours la violence de ce trait noir qui cerne et accuse formes et contours. Formes que l’artiste travaille jusqu’à les réduire à des signes accessibles à tous. Des pictogrammes inspirés de ceux des Mayas, des Indiens, des Japonais ou des Egyptiens. Une synthèse entre signe et mot.
Une vidéo montrait l’artiste en train de tracer, sur les murs du métro de New York, les silhouettes bondissantes. Dessinant très vite, à l'arraché, d’un seul trait, d’un seul jet, sans jamais s’arrêter ni se reprendre, sans même prendre le temps de respirer. Le graphiste saltimbanque courant lui aussi, essoufflé, après ses personnages. Animaux fantasques, figures zoomorphes, petits bonhommes impertinents, gamins équilibristes emplissaient l’espace à une vitesse vertigineuse et hallucinée. Crissant sous le trait. D’une fresque à l’autre, l’ensemble créait une bande dessinée fantamasgorique d'un gigantisme démesuré. Aux connotations souvent clairement érotiques. Que le spectateur à la fois surpris, amusé ou choqué, se prenait à vouloir déchiffrer.
Parti des tréfonds de la ville tentaculaire, le graphiste a aujourd’hui atteint des sommets dans la cotation de l’art. Il se disait héritier de Picasso, d’Andy Warhol et de Walt Disney. Mais, telle une comète, Keith Haring a filé, aussi vite que la flèche qui guidait sa main. Fauché en plein succès par le sida, à l’âge de 31 ans.
Il laisse derrière lui un message. Une œuvre-manifeste qui est l’expression d’une dénonciation. Mais ce qui demeure plus fort que tout en moi, c’est une intense et débordante émotion jubilatoire. Gravée dans l’œil de ma mémoire.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
* Le 14 janvier 2001 furent aussi installées huit sculptures de Keith Haring sur les principales places de Rome.
