| 90. Bernadette Engel-Roux | 91. Brigitte Broc | 92. Christine Bonduelle |
PARFOIS Parfois je te rêvais la clé de tous les lieux, des abrupts, des arides comme des bienheureux. Tes gestes moutonnaient, ta parole, appuyée au chambranle du vent, était lampe allumée au seuil du vieux pays. Parfois je te voulais de chaume et d’ajoncs. Tu ne disais rien des maisons rapiécées, des tiges bancales, mais quand le grand ciel d’hiver tisonnait la peupleraie morte, déjà tu maraudais sous la terre les couleurs boréales. Je te parlais de visages ébranchés, de tas de mots, jetés ici et là, recouverts de mousse têtue. Tu t’insinuais alors sous la fente du jour et soulevais à pleines mains les murs dégringolés, le salpêtre des heures inassouvies. Parfois je te pensais sillage et chemin de verveine. À vouloir alléger le ciel de ses pensées nocturnes, tu recevais des ailes par brassées. Parfois je savais ton toucher de fougères, ta peau, loquace, qui s’accroissait d’un arpège. Le lit, grand et défait, valsait dans l’univers. Brigitte Broc poème inédit pour Terres de femmes (D.R.) _______________________ Ph., G.AdC |