| 50. Lucetta Frisa | 51. Vénus Khoury-Ghata | 52. Françoise Donadieu |
LES CHEVEUX ROUGES DE LA MÈRE Les cheveux rouges de la mère déteignaient sur nos draps Sur l'érable qu'elle poursuivait de ses assiduités Compatissant à la chute de ses feuilles dans nos livres Pansant les nervures blessées Enterrant les mortes entre deux mots pierreux La mère lançait vaisselle cassée et imprécations à l'automne Qu'un cil tombe de nos yeux Et vos vœux seraient exaucés Nous étions autrement Beaucoup en un Comme les images qui durent longtemps Comme la pluie quand personne n'ose la contredire qu'elle devient volubile La mère nous voulait avec des bras longs comme les ruisseaux de la Saint-Jean Pour nous introduire dans son sommeil Et que les châtaignes poursuivent leurs guerres sous la cendre de l'âtre Ce n'étaient pas leurs crépitements qui allaient nous réveiller […] Faces tournées vers la rue La mère nous accrochait des bras Nous collait des sourires et des battements de cils pour séduire les visiteurs absents aux choses longilignes confectionnées avec nos sueurs manquait l'odeur enfantine du pain le crin s'étiolait sur nos têtes les fils de fer rouillaient dans les articulations personne n'applaudissait ni ne ployait le genou devant le jour le rire de la mère étouffait les fumées Apprentis qui n'apprenaient rien nuques raidies par l'attente du dégel nous implorons les murs de revenir de dérouler les chemins pliés l'hiver sera long d'après la pluie suspendue à l'air Vénus Khoury-Ghata Texte inédit pour Terres de femmes (D.R.) ________ Ph., G.AdC NOTE d’AP : ce poème a été sélectionné pour l’anthologie pas d’ici, pas d’ailleurs (anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines) publiée par Voix d’encre en juillet 2012. |