LA VIEILLE FEMME REGARDE EN BAS
La vieille femme regarde en bas, les gens, une fille, attend son bus pour rentrer chez elle, dans son immeuble, là-bas derrière la mer, sans doute.
La fille ne fumait pas, elle pleurait, elle serrait ses doigts sur un mouchoir roulé en boule, en charpie, ses manches, sa peine, je n’ai plus de bonbons, et la fille est trop grande, elle se vexerait bien sûr, je pourrais taper sur la vitre pour qu'elle lève la tête, qu'elle me voie ?
Qu'elle la voie.
Il y a dans le buffet des biscuits et du rhum.
Des biscuits et du rhum.
Je vous en prie, servez-vous.
Je vous en prie.
C'est très bon avec un sucre. Ça remonte, ça donne de la couleur.
Comment ouvrir le plus essentiel du cœur de l'homme ?
Respire,
encore,
encore.
C'est pour mieux se jeter
la tête en bas
dans les arbres.
Si tout le sang s'échappait de tous les corps,
de tous,
si on le recueillait,
quel espace remplirait-il, aussi vaste
qu'une mer ?
Tout le sang, dans quoi contiendrait-il ?
Il ne resterait personne pour mesurer et le dire. Il resterait la mer inconnue, rouge sombre, beaucoup plus rouge que la Mer rouge.
Qui n'a qu'un nom.
Hélène Sanguinetti
Texte inédit pour Terres de femmes (D.R.)
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Aquatinte numérique, G.AdC