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ON A VINGT ANS
Cette vie là jetée dans un tiroir piétinée d’images
on n’en veut pas on a vingt ans on veut voir la mer le long des golfes
suivre le fil des cerfs volants au bout du monde
on lit dans la fleur qui se fane un avertissement
on cherche une rive autre bien loin de la pensée du soir
un abri introuvable la fraîcheur de l’aubier
un espace où la mort au jour le jour n’aurait pas place
on a vingt ans on veut vivre dans l’évidence du soleil
sans le sommeil injuste le surplace les chasses gardées par les chiens
on ne veut pas même jour même heure cette faillite envers l’immense
du jour on aime son triomphe on veut dans chaque histoire
faire briller l’amour jusqu’à tarir nos soifs vivre vite
jouer éperdument avec la langue infinie de l’intime
dans nos mains on serre le galet des songes eau et sable mêlés
le chant des coquillages qui restitue la vie
on s’égare sur des chemins jamais tracés on voyage
on approche de la transparence
que ce soit la saison des lilas des myrtilles
dans les jardins extraordinaires y'a d'la joie
médailles classements défilés bas de laine on en fait l’économie
on refuse ce qui efface on ne veut pas le trou de la souffrance pas à pas
on est dans l’absolu de la musique
tôt le matin la plage vide petits bouts de bois jetés par la nuit
on grave nos initiales enlacés sur le sable les pas des amants réunis
on n’est pas sérieux on a vingt ans on prend le temps en urgence
comme un défi on prend le temps
avant la trahison des corps avant qu’il ne soit compté
on suit la libellule aux ailes couleur du ruisseau on lit à voix haute
un poème de Maïakovski ses mots éclairent le matin on écoute
Manu Chao clandestino il fait très beau pour l’insouciance
tant de paroles étranglées sur les débris des heures
qui peu à peu s’effacent à jamais on le sait on ne sait pas
l’issue invisible nous paraît si lointaine au bout tout au bout de nous
allongé sous l’arbre le ciel comme horizon
on respire les églantines que reviennent des tableaux d’enfance
et si les ruptures auront raison de nous
cette vie là éparpillée on n’en veut pas
on ne veut pas de cette vie stagnante au ras du sol aveugle
où le désir a déserté avec l’imprévisible
pour cet homme fils de personne qui dort sur le trottoir dans un carton
le jour de gloire n’est pas près d’arriver
on garde au cœur les impostures plantées comme un couteau
alors on garde aussi fidélité à la jeunesse
avec Ferré on a toujours vingt ans
Mireille Fargier-Caruso
D.R. Texte inédit extrait du recueil Un peu de jour aux lèvres
(à paraître chez Paupières de terre éditeur en 2010)
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