| 21. France Burghelle Rey | 22. Rodica Draghincescu | 23. Mireille Fargier-Caruso |
EX(o)ilium Qu’est-ce que j’ai pris Dans ma valise au départ ? Des cicatrices, des astuces, Misère sociale, démons affectifs, Des vices et des contes de fée Langue du départ Avec des maux de l’autre côté du mot : Amuïs, meurtris, maudits, Mots itinéraires. Qu’est-ce que j’ai gardé Dans ma valise à l’arrivée ? Les batiks colorés de ma mère, Le dor * des lieux miteux, Un proverbe éphémère La fièvre des maladies essayées, Les gâteaux en terre, saupoudrés de glaise, Les premiers jouets en bois et en laine, Les pluies rares, les vents et les gels de la pousta,* Les bécasses et les cigognes couvant des toits rebelles. Les tambours et les feux dans les rues, à Noël Langue de l’arrivée Avec des mots miroirs : Avoir ou être, naître ou mourir, Être ou avoir, mourir ou naître, Pas de temps à gagner, Pas de temps à perdre. La langue n’est plus Dans ce cas-ci l’organe du cœur Mais celui du savoir Et celui du pouvoir. Où es-tu lieu de naissance Quand tu deviens in- tranquillité Endroit sur une carte postale Sans droit à l’avenir, jamais postée, Trace emmagasinée dans le fond des pupilles, Trace éloignée dans l’espace de l’écrit Sans patrie, rabougrie, cachée, isolée, Seule avec le monde, triée et tirée au sort, Trace irréelle dans sa propre réalité, Trace immonde dans sa propre propreté, En état d’infériorité ou de supériorité, D’opacité ou de transparence héroïque Langue du départ Avec des maux de l’autre côté du mot : Amuïs, meurtris, maudits, Mots itinéraires, mots de terre. Où suis-je moi entre tous ces pays Toujours à la fenêtre, à la frontière, Toujours en marge et en marche, Toujours grave, Trop grande ou trop petite, Pédante ou perdante, Telle une mouche cognitive Langue de l’arrivée Avec des mots miroirs : Avoir ou être, naître ou mourir, Être ou avoir, mourir ou naître, Pas de temps à gagner, Pas de temps à perdre. Où es-tu lieu de naissance, Quand tu deviens seulement voyance Dessin, ligne à plaire et à émouvoir Endroit creux dans la main effrayée, Paysage de passage, débris d’image Vides ou pleins de boue burlesque Au-dessus desquels le peintre a collé Ses fresques de jeune artiste : Dessins, lignes à plaire et à émouvoir, Un dé, un dada, une nounou et des Rendez-vous manqués. Langue du départ Avec des maux de l’autre côté du mot : Amuïs, meurtris, maudits, Mots de terre, itinéraires. Où es-tu lieu mis à nu Avec ton dieu athée noceur Déraciné et de mauvaise humeur, Qui dansait la ronde du néant Ses ailes trop humaines, trop décalées, Esquissant des indulgences d’un nuage à l’autre Avoir ou être, naître ou mourir, Être ou avoir, mourir ou naître, Où êtes-vous mes jeux d’oublis et de glissements de sens Avec vos borgnes bolcheviks tricolores ? Vos silences et vos larmes de culpabilité Votre mélancolie rouge, en rupture de syllabes, Dont on avait peur d’un souvenir à l’autre. Votre amabilité d’apôtres du néam*, Votre insomnie à vie, acide Où est-ce que vous êtes tous ceux que J’entendais frapper aux portes de mon enfance ? Comme une ode, comme un hymne, Comme une chanson à boire : Avoir ou être, naître ou mourir, Être ou avoir, mourir ou naître, ................................
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